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Dans le monde
Togo : Nouvelle mascarade électorale
Depuis le dimanche 24 avril, jour de l'élection présidentielle au Togo, les manifestations antigouvernementales se sont multipliées un peu partout et surtout dans les quartiers populaires de la capitale, Lomé. Elles ont été violemment réprimées par l'armée. La population est descendue dans la rue pour exprimer sa colère face à la fraude électorale massive orchestrée par le gouvernement et son candidat, Faure Gnassingbé. En février dernier, celui-ci avait tenté d'accéder au pouvoir par un coup d'État militaire, suite à la mort de son père, le dictateur Gnassingbé Eyadéma. Maintenant, au terme d'une mascarade électorale, il "légalise" son coup d'État, donne une couverture "démocratique" à son pouvoir dictatorial et se proclame président élu avec plus de 60% des suffrages!
En février, face aux manifestations, aux émeutes dans le pays qui avaient fait plusieurs dizaines de morts, et aux pressions internationales, le fils du dictateur avait été contraint de lâcher du lest et de quitter momentanément le devant de la scène, tout en promettant d'organiser des élections présidentielles. Cependant, Faure Gnassingbé gardait toutes les prérogatives d'un véritable chef d'État, ayant la haute main sur l'armée qui continuait à réprimer violemment les manifestations.
Des élections présidentielles truquées
Les apparences ainsi sauvegardées, chefs d'État africains, gouvernement français, et Union européenne levèrent les sanctions contre le Togo qui redevenait un peu plus "respectable" et "fréquentable". Pourtant, rien n'avait changé: même appareil d'État dictatorial, même armée qui réprime, même gendarmerie qui torture. Mais le gouvernement togolais avait désormais l'aval des puissances européennes et des puissances régionales africaines pour "organiser une élection présidentielle". Peu importe si Gilchrist Olympio, le leader du principal parti d'opposition, l'Union des forces de changement (UFC), a été écarté des élections parce qu'il était en exil! L'UFC a trouvé un autre candidat de rechange, tandis que deux autres candidats (dont l'un a jeté l'éponge avant le scrutin) faisaient office de figurants.
Élections présidentielles ou pas, Faure Gnassingbé était bien décidé à garder le pouvoir et à tout faire pour que l'issue du scrutin qu'on lui avait imposé lui soit favorable. Après avoir demandé en vain le report des élections, l'opposition joua le jeu et participa à cette mascarade électorale, tout en sachant que les dés étaient pipés.
Conseillé par ses pairs, les dictateurs africains du Niger et du Burkina, mais aussi par ses protecteurs, la France et l'Union européenne, Faure Gnassingbé avait donc les mains libres et a pu réviser les listes électorales à son avantage. Il a refusé d'inscrire sur les listes des électeurs issus des quartiers favorables à l'opposition, tout en multipliant les électeurs fictifs dans les quartiers qui lui étaient acquis. Le ton était donné. Les semaines qui ont précédé les élections présidentielles, au mois d'avril, ont donc été émaillées d'affrontements violents entre opposants et nervis partisans de la dictature, appuyés par l'armée qui a tiré à plusieurs reprises sur la foule, faisant plusieurs morts et des dizaines de blessés.
Fraudes massives, bourrages d'urnes et hold-up électoral
Tant qu'à frauder, autant le faire massivement. C'est ainsi que durant toute la journée du dimanche 25 avril, les bourrages d'urnes se sont multipliés, les opposants ont été empêchés de vérifier le bon déroulement du scrutin, les militaires ont quadrillé les quartiers populaires des grandes villes, passant à tabac ici et là les manifestants de l'opposition, tirant même sur la foule des électeurs. TV5 a diffusé des images édifiantes où l'on voit des militaires tirer des gaz lacrymogènes dans un bureau électoral de Bé, quartier populaire de Lomé, et fief de l'opposition, le soir du dépouillement. Au moment où la foule s'enfuyait, prise de panique, les militaires partaient tranquillement avec les urnes sous le bras! Ailleurs d'autres militaires ont tout simplement brûlé les urnes. Des habitants montraient des bulletins de vote à moitié calcinés, portant la mention de vote en faveur de l'opposition.
Ne reculant devant rien, Faure Gnassingbé a même accusé l'opposition de fraudes massives pour mieux se dédouaner... ! Tandis que le gouvernement français, lui, a été "satisfait" du "bon déroulement" de l'élection présidentielle si l'on en croit le porte-parole du Quai d'Orsay! On ne critique pas un gouvernement "ami".
La population a manifesté sa colère dans les quartiers de la capitale, dressant des barricades ici et là pour protester contre le hold-up électoral que vient de réaliser Faure Gnassingbé avec la complicité de la France.
Depuis plusieurs semaines, la population laborieuse du Togo exprime son ras-le-bol de la dictature dans la rue. La répression brutale des forces de l'ordre, les descentes de l'armée, lundi 25 avril, dans certains quartiers populaires de Lomé, le passage à tabac de militants de l'opposition, les nouveaux heurts mardi 26 dans les rues de la capitale, n'ont toujours pas brisé sa détermination. Et elle n'a pas dit son dernier mot.