Grande-Bretagne - MG Rover : Vague de licenciements sur fond électoral22/04/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/04/une1916.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Grande-Bretagne - MG Rover : Vague de licenciements sur fond électoral

Le 18 avril, les 6100 ouvriers de l'usine automobile MG Rover de Longbridge, à Birmingham, recevaient leurs lettres de licenciement, suite à la mise en cessation de paiement du groupe. Un millier de salariés sous-traitants ont déjà perdu leur emploi. Et il risque d'y en avoir beaucoup d'autres, puisqu'on estime que plus de 15000 emplois de sous-traitance dépendaient directement des commandes de Longbridge, dans la seule région de Birmingham.

C'est donc une véritable catastrophe pour cette région, la deuxième agglomération de Grande-Bretagne après Londres, d'autant qu'elle a déjà été frappée par une série de plans de licenciements au cours des derniers mois, plus particulièrement dans l'automobile, chez Jaguar, Land Rover et PSA Peugeot, et que son tissu industriel est fait de sous-traitants de l'industrie automobile.

Survenant en pleine campagne pour les élections parlementaires du 5 mai, la mise en liquidation de MG Rover a provoqué la panique à la direction du Parti Travailliste de Blair. Ce parti a déjà perdu tellement de terrain depuis huit ans, dans cet ancien bastion qu'est Birmingham, que la réélection de ses quinze députés en poste n'était déjà pas assurée avant la fermeture de Longbridge.

Blair s'en est donc pris au premier patron «voyou» venu. Il est vrai qu'il y en a un tout trouvé: Phoenix, le propriétaire de MG Rover. Car ses quatre actionnaires principaux se sont fait remarquer pour leur voracité, en s'attribuant 60 millions d'euros en quatre ans, tandis que les pertes de l'usine augmentaient et que le déficit du fonds de retraite du personnel se creusait.

Mais, malgré cette voracité, les parasites de Phoenix ne sont quand même que des sous-fifres. Car il faut dire, ce que Blair se garde bien de faire, que la fermeture de Longbridge n'est que le dernier épisode de la mise en pièces du groupe automobile nationalisé British Leyland par de très respectables et richissimes entreprises, dont personne n'évoque le nom dans cette affaire.

C'est en 1988 que le gouvernement Thatcher vendit le groupe pour une bouchée de pain au géant de l'aéronautique BAE. Celui-ci s'empressa de revendre à des promoteurs tous les terrains qui pouvaient l'être et de fermer les usines qui s'y trouvaient. Jaguar fut revendu au géant américain Ford, tandis que BAE multipliait les plans de licenciements, tout en cherchant un acquéreur pour reprendre le reste du groupe.

Cet acquéreur fut le groupe allemand BMW, qui acheta en 1994 ce qui restait du groupe, permettant à BAE de tirer un gros bénéfice d'une opération dans laquelle il n'avait fait aucun investissement. Et BMW poursuivit la politique de BAE, réduisant les effectifs au maximum et vendant tout ce qui pouvait l'être -dont Land Rover qui fut vendu à Ford.

En 2000, BMW décida que Longbridge, la plus grosse usine du groupe, coûterait trop cher à rentabiliser. L'usine et ses 9000 ouvriers devaient disparaître. Soucieux de ne pas s'exposer à un événement qui risquait d'être politiquement coûteux, Blair intervint. Mais, bien sûr, il ne fut pas question d'obliger le richissime BMW à prendre sur ses bénéfices présents et passés pour maintenir les emplois à Longbridge. Au contraire, Blair chercha avant tout à aider BMW à se débarrasser de l'usine à un coût minimum et en faisant en sorte qu'il y ait le moins de vagues possible.

Finalement le gouvernement, auquel s'était joint le syndicat des Transports T&G (majoritaire dans l'automobile), présenta un plan de rachat par le consortium Phoenix. Ce dernier payait 15 euros symboliques pour l'acquisition de l'usine, et recevait un prêt sans intérêt de BMW, d'un montant équivalent à celui des primes de licenciement qui auraient dû être versées. Tout le monde y trouva son compte, sauf les ouvriers qui, au nom de ce que le T&G proclamait être une «victoire», se virent contraints d'accepter 1500 licenciements immédiats -qui furent suivis de bien d'autres! Aujourd'hui, la fin de l'usine de Longbridge, orchestrée par BMW, Blair et les leaders syndicaux, apparaît comme un fait accompli. Elle laisse un goût amer à de nombreux travailleurs, et pas seulement à Longbridge ou dans la région de Birmingham, surtout quand ils entendent cette jeune ministre de Blair lancer à l'audience d'une table ronde télévisée qu'«il faut en finir avec l'idée qu'il existe des emplois à vie»!

Quant aux élections du 5 mai, tout cela laisse présager un taux d'abstention encore plus élevé que l'indiquaient les sondages. C'est bien là le problème de Blair. Ce n'est pas pour rien si le plus grand quotidien anglais, le Sun du milliardaire Rupert Murdoch, qui fait campagne pour Blair, titrait en lettres énormes à la Une de son numéro du 18 avril: «Il faut voter!»

Du coup, l'issue de ces élections paraît moins certaine de jour en jour pour Blair. Mais pour la classe ouvrière, ce qui est sûr c'est que, face à la nouvelle vague de licenciements qui la frappe, ce n'est pas dans les urnes qu'elle trouvera les moyens de se défendre, mais en utilisant les méthodes de la lutte de classe.

Partager