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Dans le monde
Niger : Révolte contre la vie chère
L'agitation sociale se développe au Niger. Dans ce pays de la région du Sahel en Afrique de l'Ouest, grèves, manifestations, meetings se sont déroulés dans plusieurs villes du pays le 9 avril encore, pour protester contre la hausse vertigineuse du coût de la vie. Des dizaines de milliers de manifestants défient ainsi ouvertement la dictature du président Mamadou Tandja et la répression policière pour réclamer l'abrogation de la loi de Finances de 2005, qui impose une taxe de 19% sur les produits de première nécessité comme l'eau et l'électricité, le riz et le mil, la farine et l'huile.
Cette mesure prise par ce président-dictateur récemment "réélu", en décembre dernier, a mis le feu aux poudres, dans un pays où la majorité de la population vit avec moins de un euro par jour et où le pouvoir d'achat ne cesse de se dégrader depuis une dizaine d'années. Votée par l'Assemblée nationale en janvier, cette nouvelle taxe a été ressentie comme une provocation par la population du pays, poussant à son comble l'exaspération et la colère des couches les plus pauvres. Elle intervient après les mauvaises récoltes de l'an dernier et s'ajoute à l'augmentation de 50% des prix du riz et du mil intervenue en 2004. La récente invasion de criquets pèlerins, ajoutée à la sécheresse, a contribué à détériorer la situation dans les campagnes. Le déficit fourrager n'a jamais été aussi grand depuis la sécheresse de 1984 et menace le cheptel bovin. Dans certaines régions comme à Maradi, dans l'est du pays, la population rurale est menacée de famine et on assiste déjà à l'exode d'une partie de celle-ci qui se dirige vers Niamey, la capitale, pour chercher de quoi se nourrir!
Une taxe qui affame la population
Les commerçants ont profité de cette situation pour augmenter les prix, y compris celui des marchandises qui n'étaient pas assujetties à la taxe. Le gouvernement a laissé faire. Mais les prix ont continué à grimper et la colère aussi: le mil, aliment de base de la population, atteint désormais le prix de 22000 francs CFA le sac (soit 33 euros pour un sac qui permet à une famille de survivre pendant quinze jours). Le sac de riz est passé de 12 500 à 17500 francs CFA (environ 27 euros). Huile, farine, café, thé ont également connu des hausses importantes. Le prix du pain est devenu inabordable, passant de 150 à 180 francs CFA.
Aujourd'hui, les travailleurs qui touchent officiellement le salaire minimum, soit 30000 francs CFA (46 euros) -et ils ne sont pas très nombreux car beaucoup gagnent moins-, n'arrivent plus à nourrir leur famille. Sans parler des fonctionnaires qui avaient déjà subi une baisse des salaires de 10 à 30% en 1998 et qui, à l'occasion, se sont joints aux manifestants. Le reste de la population, la grande majorité, en ville comme à la campagne, est prise à la gorge par cette mesure gouvernementale et est littéralement réduite au dénuement complet. D'où la colère qui a explosé ces dernières semaines.
La colère populaire s'étend à tout le pays
Depuis le début, le gouvernement a fait la sourde oreille aux revendications de la "Coalition contre la vie chère au Niger" qui regroupe près d'une trentaine d'associations de consommateurs, d'organisations non gouvernementales et de syndicats de travailleurs et qui a pris la tête de la protestation pour réclamer l'abrogation de la taxe. Pris de court par l'ampleur de la mobilisation, notamment celle du 15 mars qui a regroupé plusieurs dizaines de milliers de personnes à Niamey, le gouvernement a réprimé violemment les manifestations, multipliant les arrestations, jetant en prison cinq des principaux dirigeants du mouvement, tous accusés de "complot contre la sûreté de l'État".
Mais, loin de faire taire le mécontentement, la répression gouvernementale a eu l'effet inverse et n'a fait que l'amplifier. La protestation s'est étendue aux autres villes du pays. Malgré les arrestations et les interdictions du pouvoir, les 22 mars, 5 avril, et 9 avril derniers, grèves et manifestations se sont multipliées à Maradi, à Tahoua, à Dosso, à Tillabéry. Zinder, l'une des villes les plus importantes, a été décrétée "ville morte "du fait de l'interdiction de la manifestation, et à Agadez il y a eu des heurts violents avec la police.
La dictature a été surprise par cette forte mobilisation populaire dont elle ne s'attendait pas à ce qu'elle s'étende à l'ensemble du pays. La remise en liberté provisoire, deux jours plus tôt, des dirigeants de la Coalition, les propos conciliants du gouvernement qui en appelle aujourd'hui "au dialogue", cherchant à temporiser, montre qu'elle a été contrainte de lâcher du lest sous la pression de la rue. Pour l'heure la répression n'a en rien entamé la détermination de la population, qui continue à demander l'abrogation de la taxe scélérate. Si cette détermination se renforce et si elle prend de l'ampleur, les jours du gouvernement dictatorial de Mamadjou Tandja sont peut-être comptés. Juste au moment où la dictature se prépare à organiser les 5e Jeux de la francophonie.