- Accueil
- Lutte ouvrière n°1915
- Chine : "L'oubli de mémoire" des autorités japonaises
Dans le monde
Chine : "L'oubli de mémoire" des autorités japonaises
Samedi 9 et dimanche 10 avril, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont manifesté dans différentes villes de Chine devant des bâtiments officiels japonais, ambassade ou consulats, mais aussi devant des banques, des supermarchés ou des restaurants japonais. Dans certains endroits, ces manifestations ont été houleuses, s'accompagnant de jets de projectiles ou de bris de vitres, notamment contre la résidence de l'ambassadeur, à Pékin, prenant même parfois un caractère xénophobe.
Ces manifestations se déroulaient sans doute avec le soutien des autorités chinoises. Mais elles n'étaient pas sans motif valable. Les manifestants chinois protestaient en effet contre la réédition, au Japon, d'un manuel d'histoire visant à minimiser les atrocités commises par l'armée japonaise en 1937 et durant la Seconde Guerre mondiale, lors de l'invasion et de l'occupation de la Chine et de la Corée. C'est là "totalement absoudre les militaristes japonais de leurs crimes et de leur responsabilité", a affirmé le ministre chinois des Affaires étrangères.
L'invasion de la Chine par l'armée japonaise, en 1937, s'accompagna d'actes de barbarie à grande échelle. À Nankin, la ville fut mise à sac et incendiée, 150000 à 300000 civils massacrés, souvent de façon atroce: femmes violées, hommes torturés avant d'être abattus, enfants enterrés vivants. En Corée, outre les crimes contre les civils, l'armée organisa un vaste trafic de prostitution, enlevant 200000 femmes dites "de réconfort", destinées aux bordels militaires japonais. En Mandchourie, occupée depuis 1936, une unité spéciale, "l'unité 731", se livra à des expériences de guerre bactériologique et à des vivisections sur plusieurs milliers de personnes, en majorité chinoises, et propagea des épidémies en empoisonnant l'eau des puits de la région de Nankin.
Pendant plusieurs dizaines d'années, ces atrocités furent d'autant moins connues que l'amnistie couvrait les principaux responsables, à commencer par l'empereur Hirohito, que les vainqueurs américains avaient choisi de laisser en place. Pendant la Guerre froide, l'impérialisme américain, qui avait besoin d'un appui en Asie contre la Chine (et pesant plus que la petite île de Taïwan face à la Chine de Mao), jeta un voile sur ces atrocités et protégea même la plupart des responsables militaires. Si le général responsable des massacres de Nankin fut condamné à mort, le responsable de l'unité 731 bénéficia, lui, de l'impunité de la part du gouvernement américain... en échange de ses travaux, tandis que d'autres étaient embauchés par des firmes pharmaceutiques japonaises. Il fallut attendre 1992 pour que le gouvernement japonais reconnaisse la traite des "femmes de réconfort", la mise à jour d'archives militaires ne lui permettant plus de nier ce fait.
Près de soixante-dix ans après les faits, non seulement les autorités japonaises continuent de faire le silence sur les actes de barbarie commis par son armée, mais elles cherchent à les classer dans les "détails" de l'histoire. On croirait voir les autorités françaises quand elles cherchent à jeter le voile sur leurs responsabilités dans les atrocités de la guerre d'Algérie.
En revanche, les autorités japonaises ne manquent pas de réclamer au gouvernement chinois "des excuses et des dédommagements" pour les oeufs lancés sur les façades des bâtiments et les vitres brisées par les manifestants...