Un navire pollueur dérouté et l’armateur condamné : Pas de ça chez nous... mais ailleurs?25/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1912.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Un navire pollueur dérouté et l’armateur condamné : Pas de ça chez nous... mais ailleurs?

Le jeudi 10 mars, un navire italien a été surpris par un avion militaire français en train de rejeter des hydrocarbures dans le golfe de Gascogne: derrière lui, il y avait une traînée de 40 mètres de large sur 26 kilomètres.

Le navire a été dérouté sur Brest et son armateur a dû payer 450000 euros de caution pour pouvoir repartir. Ce qui n'empêchera pas un procès ultérieur et une éventuelle condamnation.

Selon le secrétaire d'État à la Mer, qui s'est rendu sur place, «il s'agit de bien montrer que nous sommes intraitables en matière de pollution maritime; nous sommes extrêmement vigilants et nous tenons à ce que les coupables soient jugés et sanctionnés».

Il est vrai que le nombre des navires ainsi surpris et condamnés a augmenté depuis quelques années. Ainsi le 17 mars, à nouveau, un chimiquier norvégien, surpris avec une traînée de 38 kilomètres de long sur 80 mètres de large, était dérouté sur Brest et devait payer 400000 euros de caution pour pouvoir repartir. Comme le remarquait un officier, on sait dans les milieux maritimes qu'il vaut mieux éviter de polluer au large des côtes françaises, car on risque de s'y faire pincer. Le jour en tout cas, car si les pollueurs avaient opéré la nuit, quand toutes les eaux sont grises, ils auraient probablement échappé à l'interpellation.

Mais quand le ministre se déclare «intraitable », il se contente de peu. Dans une proposition de loi contre les navires pollueurs, déposée par un groupe de députés en octobre 2003, ces derniers déploraient qu'un article du droit communautaire, obligeant «les navires à déposer les déchets d'exploitation et les résidus de cargaison avant de quitter un port», adopté par le Parlement, ne soit toujours pas en vigueur deux ans après le vote, faute de décret d'application!

Les autorités françaises, autant qu'européennes d'ailleurs, ne mènent donc pas réellement un combat acharné contre les navires pollueurs. Il serait pourtant simple de décider que, dans tous les ports européens, tout navire ait l'obligation, sous peine de ne pouvoir repartir, de nettoyer ses soutes et, s'il s'agit d'un pétrolier, ses cuves. De même aucun navire ne pourrait pénétrer dans des eaux de l'Union européenne, sans un certificat de dégazage. Ce dernier point figure d'ailleurs dans le projet de loi évoqué ci-dessus... toujours à l'état de projet.

Cependant, au fil des années la législation et les sanctions se durcissent, lentement, au large des côtes françaises et, dans certains cas, européennes. Le message est clair: ne faites pas cela chez nous!

Mais il reste que les océans sont vastes. Qu'est ce qui empêchera les pétroliers de dégazer et de déballaster (c'est-à-dire de nettoyer leurs citernes) dans l'océan Indien ou l'Atlantique sud? Quel pays d'Afrique ou d'ailleurs, aux moyens d'intervention limités, sera en mesure de les en empêcher, ou tout simplement de le constater au large de ses côtes?

La pollution maritime a donc encore de beaux jours devant elle. Il existe 45000 bateaux qui sillonnent les mers et océans du monde. Pour quelques-uns qui se font prendre, la quasi-totalité polluent impunément. Et parmi eux combien de navires battant pavillon français, ou affrétés, sous pavillon de complaisance, par des capitalistes français vis-à-vis desquels les ministres ne sont nullement «intraitables»?

On estime que les résidus des dégazages représentent chaque année environ un million de tonnes, bien plus que toutes les marées noires réunies. C'est une pollution immense, volontaire, due uniquement au désir d'éviter les escales et les traitements qui font perdre du temps et de l'argent. Autrement dit, due uniquement à la soif de profits des capitalistes.

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