Michelin : Bénéfices en hausse, salaires et emplois en baisse25/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1912.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Michelin : Bénéfices en hausse, salaires et emplois en baisse

À la mi-mars, au cours d'une conférence de presse à Paris, Edouard Michelin annonçait pour 2004 un bénéfice net de 527 millions d'euros, soit une hausse de 60% par rapport à 2003. Mais pour les salariés du groupe, il en va tout autrement.

Tout en se plaignant de la chute du dollar et des hausses de prix des matières premières, le patron était satisfait des résultats.

En effet ça roule plutôt bien pour lui, puisqu'il s'est attribué 4,26 millions d'euros en 2003 (146% de hausse par rapport à 2002), et encore 3,5 millions d'euros en 2004... soit quand même près de dix mille euros par jour, sept jours sur sept.

Pour se représenter de telles sommes, cela veut dire que lorsqu'il sommeille pendant six heures, il touche autant que beaucoup d'ouvriers gagnent en deux mois.

Un autre exemple: lorsqu'il entre à l'usine des Carmes et qu'il arrive à son bureau, c'est-à-dire un tout petit quart d'heure, il a déjà gagné 100 euros...

Quant aux actionnaires, ils voient leurs dividendes augmenter de 35% cette année.

Voilà ce que le journal La Montagne appelle «une année faste pour Michelin» et ce que lui-même appelle une «pleine dynamique de progrès».

L'emploi préoccupant

Du côté des travailleurs, la roue du progrès a plutôt tendance à tourner à l'envers. Comme dans beaucoup de sites, les usines de Clermont-Ferrand voient leurs effectifs baisser continuellement. Passés de 30000 en 1980 à 15000 aujourd'hui, les emplois risquent encore de diminuer de 1500 à 2000 avec le énième plan de réduction des effectifs, où les départs en retraite sont remplacés dans la proportion d'un sur trois.

Bien d'autres sites sont menacés: Troyes, Bourges, Poitiers, etc. Il en est de même dans les autres pays: usines fermées en Angleterre, en Allemagne, en Espagne.

Les effectifs en France sont aujourd'hui voisins de 30000 salariés et de 126000 dans le monde.

Aggravation des conditions de travail

Mais plus les effectifs diminuent, plus les conditions de travail sont difficiles: augmentation des cadences, réorganisations incessantes qui s'accompagnent de changements d'horaires, de mutations de services et d'usines d'une ville à l'autre à plusieurs centaines de kilomètres.

Avec les 35 heures, la flexibilité est utilisée à fond. Ainsi les samedis travaillés tombent d'un atelier à l'autre, sous prétexte qu' «il faut satisfaire le client d'abord». En réalité, le patron satisfait d'abord ses profits, en n'hésitant pas à s'en prendre au temps libre de ses ouvriers et employés. Car ces samedis travaillés touchent aussi bien un atelier de production ou de rechapage qu'un service dans les bureaux.

Michelin ne manque pas une occasion de s'en prendre aux 35 heures, qu'il considérait à l'origine comme une «catastrophe», laissant même entendre qu'il serait obligé de fermer des usines puisque ses travailleurs ne travailleraient plus assez!

L'exploitation ne connaît pas de frontière: la politique de suppressions d'emplois et de frein sur les salaires est menée à l'échelle mondiale.

Ainsi, en Chine, l'usine de Shanghai a été fermée pendant un mois, en décembre 2004 et janvier 2005. Des milliers de travailleurs ont été lock-outés, avec perte de salaire, sous prétexte qu'il y avait trop de stocks et que, momentanément, le marché n'était pas assez ouvert.

En réalité, à l'échelle du groupe, avec de moins en moins de monde, la production ne cesse d'augmenter. Ainsi, les frais de personnel diminuent d'année en année en pourcentage du chiffre d'affaires: moins 7,6% entre 2001 et 2004. Et chaque travailleur produit plus: en tonnes produites par salarié: plus 4,4% en 2003 et plus 5% en 2004. Cela explique principalement la hausse des bénéfices et cela a permis à Michelin d'augmenter les dividendes de 47% en trois ans.

Salaires: effets d'annonces

Michelin a déclaré aux journalistes qu'il allait accorder en 2005 entre 2,5 et 3,5% d'augmentation sur les salaires. En réalité, ces chiffres sont non seulement insuffisants, mais ils sont trompeurs. Pour les ouvriers, l'augmentation générale ne sera que de 1,5%. Pour les autres catégories, il n'y aura qu'une hypothétique et arbitraire augmentation individuelle.

Et puis l'intéressement entre aussi en jeu. Il est en moyenne de 108 euros brut par mois (1296 euros sur l'année). Mais il ne compte pas pour les retraites. Et il est aléatoire, en fonction de la production ou des bénéfices déclarés. Ainsi, à la filiale SODG de Clermont-Ferrand, l'intéressement baisse de plus de 250 euros par rapport à l'an passé. Comme le disent les ouvriers, plus on a de boulot, moins on gagne!

Lundi 21 mars, Michelin faisait un deuxième effet d'annonce dans le journal La Montagne qui titrait à la Une: «Dopé par d'excellents résultats, Michelin-France distribuera 1572 euros à chacun de ses salariés». D'une part, cette prime est une moyenne et ce sont donc encore les plus bas salaires qui auront le moins. D'autre part, elle inclut les 1296 euros d'intéressement déjà annoncés. L'augmentation réelle due à la «participation aux bénéfices» ne sera donc que de 276 euros en moyenne, soit au total, pour les salariés de la Manufacture, 6,2 millions d'euros... à comparer aux quelque 180 millions d'euros que vont se partager les actionnaires.

Ces 276 euros ne représentent que 23 euros par mois et cela reste une prime exceptionnelle. Ce qu'ont demandé les salariés dans la rue le 10 mars, ce sont des augmentations de salaire.

Alors oui, il faut inverser cette tendance. Ceux qui ont fait grève et manifesté les 5 février et 10 mars ont bien raison de vouloir se faire entendre. Face à leur patron milliardaire, ils veulent travailler moins et gagner plus.

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