Marine marchande : Les salaires de Hong Kong et les subventions de Paris25/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1912.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Marine marchande : Les salaires de Hong Kong et les subventions de Paris

La France, après bien d'autres pays européens, s'apprête à créer un nouveau pavillon de complaisance: le «registre international français» en plus de celui, déjà existant des îles Kerguelen. Il s'agit pour les armateurs d'additionner les avantages du pavillon de complaisance (les salaires du Tiers Monde) avec ceux du pavillon national (les subventions qu'un État riche offre à sa bourgeoisie).

Les chiffres donnés par le ministère de la Mer sont choquants: un porte-conteneurs enregistré en France revient à 9300 dollars par jour; enregistré aux îles Kerguelen (pavillon de semi-complaisance français, permettant d'embarquer 65% de marins étrangers), il coûte 7800 dollars par jour; avec un équipage mixte polonais-chinois, le prix tombe à 4330 dollars; et avec un équipage entièrement chinois, à 3400 dollars. Pour un cargo de 170000 tonnes, le coût passe de 6415 dollars par jour, en appliquant le droit du travail français, à 1423 dollars par jour en appliquant l'absence de droit du travail de Hong Kong. Cette baisse de salaire ne s'applique pas seulement aux marins, mais à tout le personnel embarqué. Pour les bateaux de croisière, cela peut représenter plus d'un millier de travailleurs (cuisiniers, blanchisseurs, femmes de chambre...), les armateurs transportant ainsi sur les océans de véritables villages de vacances flottants qui, vu les salaires modiques de leurs employés, procurent des profits faciles à leurs propriétaires.

Cette course au profit par la baisse des salaires se double, comme dans les usines, d'une course aux économies sur la sécurité. Cela se solde parfois par des marées noires, des dégazages en mer qui polluent encore plus, mais aussi par des naufrages. En moyenne, ceux-ci font 1600 disparus par an, pour 930000 marins au long cours de par le monde.

La loi sur le «registre français international» est présentée par ses promoteurs comme visant à améliorer le sort des marins, instituant un «socle social minimal»: revenu minimal de 500 dollars mensuels (moins de 400 euros), pour des horaires de 48 heures de travail par semaine, mais pouvant aller jusqu'à 14 heures par jour, avec des repos pris par tranches de 6 heures; 3 jours de congés payés par mois effectivement travaillé; aucune clause sur la durée de l'embarquement, ni sur les ports de départ et d'arrivée, ni sur le moyen de rentrer chez soi une fois débarqué. Ce «socle minimal» aboutit parfois, trop souvent, à ces bateaux poubelles qu'on retrouve pourrissant dans les ports, et dont les marins vivent de la charité publique.

Loin de contribuer à supprimer les pavillons de complaisance, cette loi les légaliserait et permettrait aux armateurs de faire coup double. En effet, pour garder quelques bateaux sous pavillon français, les gouvernements successifs, tout en inventant le pavillon des Kerguelen, ont exonéré les armateurs français de charges sociales et leur ont offert de nombreuses subventions. Les compagnies du «registre français international» pourront bénéficier de tous ces cadeaux et des autres avantages liés au pavillon français, en même temps que de ceux liés au pavillon de complaisance. Tout ça, comme dit la chanson, pour engraisser l'armateur!

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