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Directive européenne sur la "libéralisation des services" : Retour programmé de la directive Bolkestein
Lundi 14 mars, Barroso, le président de la Commission européenne, a annoncé qu'il remettait sur le métier son projet de directive sur la libéralisation des services, dite "directive Bolkestein", du nom du député néerlandais qui en a rédigé la première version. Barroso a affirmé qu'il n'entendait pas revenir sur les points qui constituaient l'essentiel de cette directive. Cette annonce a été jugée intempestive par les députés de l'UMP, partisans du "oui" au référendum, qui se sont empressés mardi 15 mars de réclamer qu'elle soit rediscutée. Non pas tant qu'ils soient hostiles au principe, mais parce qu'ils trouvent le moment mal venu, à deux mois du référendum sur la Constitution européenne.
Depuis quelques mois, cette question de la "libéralisation des services" est au centre d'une controverse qui agite le monde politique et économique européen. Faut-il soumettre les prestataires de services européens à la législation sociale de leur propre pays, plutôt qu'à celle des pays où ils exercent leurs services? Et tous les secteurs -hormis ceux du transport, de l'énergie et de l'eau, qui auront un statut particulier- seraient concernés, y compris les prestations destinées aux industriels.
Ce projet avait été mis en route par la conférence des chefs d'Etat et de gouvernement qui s'était tenue à Lisbonne en 2000, Chirac et Jospin représentant la France. Et dans cette même ligne, le projet de Constitution de Giscard, soumis au référendum, soutenu par les chiraquiens et les socialistes, précise que "les restrictions à la libre prestation des services à l'intérieur de l'Union sont interdites."
Depuis sa publication, en février 2004, la directive Bolkestein a provoqué une levée de boucliers de toutes parts. De la part des syndicalistes, du Parti Communiste et d'ATTAC, qui ont épinglé, à juste titre, la remise en cause des lois sociales et des conventions collectives de chaque pays, en particulier des pays où existent les protections sociales les moins mauvaises. Mais aussi de la part des "souverainistes", et de certains petits patrons qui voient d'un mauvais oeil la concurrence avec les pays de l'est de l'Europe, que cette directive introduit à leur désavantage.
Cela dit, cette pratique n'est pas nouvelle. Bien des entreprises françaises l'appliquent par anticipation, en embauchant des travailleurs dans leur pays d'origine, et avec les salaires et les protections de ces pays, beaucoup moins élevés, et en les faisant travailler en France. Et ce ne sont pas que des PME, des petits artisans, qui profitent de ces pratiques au rabais. Il y a deux ans, les Chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire, appartenant au groupe Alstom, ont été mis sur la sellette par la grève d'ouvriers roumains et indiens. Ces travailleurs protestaient contre les conditions que leur imposaient les entreprises de sous-traitance qui "vendaient" leur travail aux Chantiers.
Quoi qu'en disent les de Villiers et autres souverainistes, quand ils pointent du doigt "le plombier polonais qui viendrait travailler en France avec le salaire et la protection sociale de son pays", ce sont aussi des entreprises comme Alstom et consorts qui profiteront d'une libéralisation totale des services.
Le gouvernement français, lui, joue un double jeu. D'un côté, Chirac, jugeant la directive "inacceptable", demande sa "remise à plat". Raffarin proclame: "Nous utiliserons tous les moyens dont nous disposons pour nous opposer à cette directive." De l'autre, il semble évident à tous que Chirac et Raffarin, qui ont été parmi les initiateurs de cette directive comme tous leurs collègues européens, redeviendront partisans de celle-ci... après le référendum de mai prochain, moyennant quelques menues modifications.
Cette directive doit être dénoncée et combattue, car nous ne pouvons qu'être opposés à une législation qui, au nom de la liberté d'entreprendre, permet aux patrons des grands trusts de faire fi des garanties sociales existantes et d'économiser sur les salaires. Mais il faut, dans le même temps, que les salariés, toutes origines confondues, luttent pour améliorer ces salaires et ces garanties sociales, à l'échelle de toute l'Europe.