Arrêts maladie : Des officines pour soigner les profits17/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1911.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Arrêts maladie : Des officines pour soigner les profits

Dans cette société, tout ce qui peut faire de l'argent suscite l'éclosion de vendeurs. En l'occurrence, le contrôle des arrêts maladie pour le compte des grandes entreprises est un "service" que, dans le pays, une dizaine d'entreprises spécialisées sont prêtes à rendre contre espèces sonnantes et trébuchantes.

La plus ancienne, Securex, piste depuis près de trente ans les salariés malades jusqu'à leur domicile et emploie à cette fin près de 1500 médecins qu'elle rémunère à "l'acte", 40 euros facilement gagnés si l'on n'est pas trop freiné par les scrupules. La directrice de l'officine pionnière rappelle à ce propos les difficultés rencontrées au départ pour recruter des médecins; on devine que le jeune praticien venant de terminer ses études -et pas seulement lui- n'est peut-être a priori pas particulièrement attiré par l'aspect policier de la tâche.

Mais les sociétés de contrôle médical semblent se multiplier et, comme une des dernières arrivées sur le marché, elles s'engagent auprès de leurs futurs clients à "ramener leur taux d'absentéisme à 2,5%", et ce pour la modique somme de "81 à 90 euros hors taxes" à l'acte. L'enjeu, pour les patrons clients, est d'exercer une pression de chaque instant sur les arrêts maladie, les accidents de travail et les maladies professionnelles.

Pourtant, selon la Caisse nationale d'assurance-maladie, sur les presque 7 millions d'arrêts de travail comptabilisés dans l'année, seuls 6% se révéleraient injustifiés, et encore: un salarié fatigué auquel son médecin traitant prescrit du repos, cela n'est-il pas amplement justifié ? Sur quels critères, et animé par quels intérêts, le médecin-contrôleur va-t-il juger de l'opportunité de l'arrêt de travail, sur le pas de la porte, alors qu'un médecin de famille qui suit le malade depuis des années l'a jugé nécessaire ?

Ce système des contre-visites est prévu depuis longtemps, depuis que la mensualisation permet à une grande partie des salariés d'obtenir un complément patronal, pour les trois jours de carence notamment. Mais la dernière loi de financement de la Sécurité sociale, assortie d'un décret gouvernemental d'août dernier, renforce le pouvoir de contrôle du patronat. En effet, l'avis du médecin-contrôleur envoyé par le patron peut désormais suffire à bloquer le remboursement non seulement du complément patronal, mais de l'indemnité journalière de la Sécurité sociale. La Caisse d'Assurance Maladie (CNAM) est maintenant tenue de prendre en compte les rapports des médecins-contrôleurs patronaux, de convoquer le salarié jugé "en défaut" par ceux-ci, et de suspendre immédiatement les indemnités journalières si le travailleur malade ne se présente pas. Mais même si ce dernier se présente, rien n'est pour lui garanti d'avance...

En la matière, le patronat n'éprouve pas même le besoin de prétexter le "trou de la Sécu" pour développer ces officines spécialisées dans le contrôle du personnel, avec pour but affiché de diminuer les coûts du travail. Il est vrai que la santé florissante des profits le remboursera largement.

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