Zone d’attente de Roissy : Violence policière en toute impunité contre les étrangers09/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1910.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Zone d’attente de Roissy : Violence policière en toute impunité contre les étrangers

Le 19 février, des étrangers ont été victimes de violences policières dans la zone d'attente de Roissy, a révélé une nouvelle fois l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (Anafe).

D'après elle, avant même d'embarquer dans la camionnette qui devait les conduire jusqu'à l'avion, cinq personnes, quatre Congolais et un Camerounais, ont été menottées les bras dans le dos, et ligotées aux chevilles et aux cuisses.

On a refusé à une des deux femmes la possibilité d'aller aux toilettes avant ce ligotage. «Une fois dans le camion, ma compatriote s'est déféquée dessus et a subi des violences et des injures de la part d'un agent femme de la police qui lui a donné des gifles ainsi que des coups de pieds et lui a cogné la tête contre les parois du camion.»

Après de multiples coups dans l'avion, le commandant de bord ayant finalement refusé l'embarquement, ils ont été réacheminés en zone d'attente. Dans la camionnette, «deux policiers français étaient assis sur une femme pour qu'elle ne puisse pas bouger». Examinées par les médecins, les deux femmes ont eu des certificats médicaux d'incapacité totale de travail de quinze et dix jours. L'une d'elles y est décrite comme «psychologiquement très choquée et physiquement percluse de douleurs de l'ensemble du corps, l'empêchant de se lever de son lit et marchant à petits pas».

Les victimes ont porté plainte contre X. Mais, malgré les témoignages accablants et les certificats médicaux, il n'y aura pas de suite. Dès le 21 février, quatre d'entre eux étaient expulsés à Libreville, coupant court à toute la procédure.

Il ne s'agit malheureusement pas d'un cas isolé.

En décembre 2002 et janvier 2003, deux étrangers refoulés mouraient, officiellement, d'arrêt cardiaque.

L'un était menotté, les pieds attachés au siège avant et une couverture sur lui. Les policiers faisaient pression pour le maintenir replié, la tête en bas. Quinze jours plus tard, un Éthiopien refoulé mourait dans les mêmes conditions.

L'Anafe vient de publier un bilan d'observation de six mois sur la zone d'attente de Roissy. Rien que sur les violences policières, l'association expose plus d'une vingtaine de témoignages, dont elle précise qu'il ne s'agit que d'exemples parmi d'autres. Intimidation, insultes, coups, humiliation, chantage, interdiction d'aller aux toilettes sont au menu ordinaire.

Les mineurs isolés, pourtant censés bénéficier d'une protection particulière, ne sont pas mieux traités.

Même les enfants sont traités comme des criminels. L'Anafe signale le cas d'une enfant de 5 ans, arrivée le 10 juin du Congo Kinshasa. «Au cours d'une tentative de renvoi le 16 juin, l'enfant aurait été menottée et jetée dans l'avion. Ayant résisté, elle aurait été débarquée suite à l'intervention du pilote. Elle a été renvoyée le 23 juin.»

Autre témoignage, celui d'une journaliste, Anne de Loisy. Pendant six mois, elle a travaillé comme médiateur de la Croix-Rouge dans cette zone d'attente interdite aux journalistes, en cachant sa véritable profession. Des hommes et des femmes terrorisés, humiliés, ayant parfois frôlé la mort, se confient à elle. Mais la Croix-Rouge se garde bien de gêner le travail des policiers.

«Les instructions, explique la journaliste, sont extrêmement claires: nous ne pouvons pas dénoncer des violences dont nous n'avons pas été témoins. Alors, comme les policiers n'osent pas frapper les personnes devant nous, nous nous bornons à recueillir les témoignages, à photocopier les certificats médicaux et à transmettre le tout à notre directeur.»

Tous les témoignages sont appuyés par des certificats médicaux ne laissant aucun doute sur les violences exercées. Mais la police n'en a cure et agit en toute impunité. Les tribunaux ne l'inquiètent pas plus. À une infirmière excédée, un policier explique qu'on leur demandait «de faire le sale boulot de la République sans faire de vagues, et qu'on ne devait pas entendre parler d'eux au ministère de l'Intérieur».

Le comportement bestial des policiers n'est que le fruit d'une politique décidée en haut lieu. Il y a les exécutants et les commanditaires: ainsi en septembre 2003 Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, annonçait: «L'objectif national est de multiplier par deux, à court terme, le nombre de reconduites».

Le «sale boulot de la République», cela se passe tous les jours et à vingt kilomètres de Paris.

Partager