Turquie : La police à l’oeuvre09/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1910.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Turquie : La police à l’oeuvre

Dimanche 6 mars, une manifestation organisée à l'occasion de la Journée internationale des femmes, à Istanbul, a été violemment réprimée par la police turque. Les images diffusées à la télévision ont montré avec quelle brutalité les forces de l'ordre ont chargé les manifestants, lancé des gaz irritants et frappé à coups de matraque ceux qui étaient tombés à terre, plus particulièrement des femmes.

Soixante-trois personnes ont été arrêtées -sur les 150 présentes- et traînées dans des bus. La police s'est défendue d'avoir eu une attitude sexiste (quoique les préjugés à l'encontre des femmes ne soient jamais bien loin, dans la tête de tous les policiers du monde), elle a justifié son attitude par le fait qu'il s'agissait d'une manifestation interdite.

Pas de chance pour le gouvernement turc, cette répression de la manifestation a eu lieu au moment même de la visite de trois commissaires européens, venus à Ankara pour discuter de l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne, qui n'ont pas manqué de s'indigner. Le gouvernement s'en est sorti en affirmant qu'il s'agissait d'une affaire intérieure et a promis, comme tous ses homologues dans pareille situation, qu'une «enquête» était ouverte.

Bien entendu, si la répression de cette manifestation des femmes a été montrée à la télévision, la police turque est coutumière de ce type d'action musclée. Quelques jours auparavant, elle était intervenue tout aussi violemment contre des militants qui manifestaient, place Taksim à Istanbul, en soutien aux travailleurs du trust nationalisé du papier SEKA, en cours de privatisation.

Contre des militants, des travailleurs, des femmes manifestant pour leurs droits, les policiers turcs ont malheureusement le comportement de tous les policiers du monde. Prenant prétexte de ces violences, les opposants à l'entrée de la Turquie dans l'UE, notamment en France, ont affirmé que de telles pratiques n'étaient pas compatibles avec les «idéaux démocratiques» défendus par l'Europe. Belle hypocrisie car, en fait de brutalités policières, bien des pays européens pourraient en remontrer à la Turquie. Il ne faut pas aller bien loin pour en trouver des exemples: à Gênes, en juillet 2001, lors d'un sommet du G8, les forces de l'ordre ont quadrillé la ville, saccagé des locaux occupés par des contre-manifestants, tabassé des manifestants, tuant un jeune homme et faisant deux blessés graves. En France, les morts de la manifestation des Algériens du 19 octobre 1961 et ceux du métro Charonne sont toujours présents dans les mémoires. Plus récemment, en 1986, à l'issue d'une manifestation étudiante, le jeune Malik Oussekine avait été tué sous les coups des policiers qui s'étaient acharnés sur lui. Et y compris en France aujourd'hui, les violences policières sont quasi quotidiennes, qu'il s'agisse d'arrestations «musclées», de passages à tabac dans des commissariats, de l'expulsion brutale de sans-papiers, jetés de force dans des avions.

Alors, le problème n'est pas de savoir si les méthodes de la police en Turquie empêchent ce pays d'entrer dans l'Union européenne. Il est que l'Union européenne -Turquie comprise- devienne un jour vraiment l'Europe des travailleurs, et pas celle des patrons et de leurs polices.

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