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Dans le monde
Polynésie : Misère sociale et paradis pour les affairistes
Oscar Temaru, le leader indépendantiste, vient d'accéder à la présidence de la Polynésie française, comprenant Tahiti et plus d'une centaine d'îles de l'océan Pacifique, où vivent 238000 habitants. Cela met fin à vingt ans de pouvoir de l'ami personnel de Chirac qu'est Gaston Flosse.
À partir des années soixante, c'est en Polynésie que se déroulèrent les essais nucléaires français, au mépris de la population locale. L'argent affluait alors et le personnel politique fut impliqué dans de nombreux scandales financiers. Ainsi, Gaston Flosse, qui avait commencé sa carrière dans le parti gaulliste en 1958, fut inculpé pour «faux et usage de faux», «trafic d'influence», «prise illégale d'intérêts» ou encore «complicité de tenue illicite d'une maison de jeux de hasard». Il échappa à toute condamnation et fit jouer son «amitié» avec Chirac pour que l'argent de l'État continue de tomber dans l'escarcelle de ses protégés, même après que les essais nucléaires eurent cessé. La gauche l'a maintenu en selle.
En Polynésie la construction d'hôtels, de navires de croisière de plus de 25 cabines, de golfs internationaux ou encore de cliniques privées bénéficie d'un dégrèvement fiscal de 20 à 60% du montant de l'investissement. Car la «loi Flosse» accorde des avantages qui s'ajoutent à ceux qui s'appliquent aux Antilles ou à la Réunion par exemple.
Dans le même temps, la majeure partie de la population polynésienne est laissée pour compte. Le chômage touche 20% de la population, deux fois plus qu'en France, et les indemnités y sont inexistantes. Les capitaux s'investissent dans les secteurs les plus rentables comme le tourisme, tandis que nombre d'habitants s'entassent dans des logements insalubres autour de Papeete. Cette situation a conduit à des grèves et à des explosions de colère, en particulier en septembre 1995, quand des jeunes détruisirent nombre d'équipements au centre de Papeete. La justice coloniale riposta par une dure répression, tandis que Flosse et compagnie ont pu continuer à faire prospérer leurs affaires en toute impunité.
Aujourd'hui, la population polynésienne semble enfin débarrassée de ce politicien affairiste, et son successeur, Temaru, promet «une gestion plus transparente de la Polynésie». Il demande à la France d'envisager un changement de statut et affirme vouloir «rendre les terres aux Polynésiens qui en auraient été spoliés, ou les indemniser».
Mais si une augmentation du salaire minimum est annoncée, c'est en précisant qu'elle est «à étaler dans le temps», sur cinq ans, et devrait s'accompagner d'une diminution des charges patronales. C'est dire que Temaru est en fait plus soucieux des intérêts du patronat local que des besoins de la population. Et quand il déclare ne pas pouvoir s'empêcher de solliciter la protection divine pour son pays, on peut mettre en doute que cela améliorera les choses. Quoi qu'il en dise, c'est la mobilisation de la population à l'automne dernier qui l'a aidé à accéder à la présidence, malgré les obstacles placés par le pouvoir colonial.