Bolivie : Démission du président09/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1910.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bolivie : Démission du président

Le président de la Bolivie, Carlos Mesa, avait été porté en 2003 à la tête de l'État par la démission et la fuite de son prédécesseur, Gonzalo Sanchez de Lozada, discrédité par la répression sanglante d'une manifestation populaire qui refusait que les réserves de gaz soient bradées à des multinationales impérialistes. C'est une situation quasi identique qui vient de conduire Carlos Mesa à démissionner à son tour.

La Bolivie dispose de la seconde réserve de gaz naturel d'Amérique du Sud. En 1997, celle-ci a été livrée par la privatisation à la rapacité de quelque 26 compagnies étrangères, parmi lesquelles Total (France), British Gaz (Grande-Bretagne), Exxon Mobil (États-Unis), Repsol (Espagne), etc.

En 2003, le faible prix auquel le gouvernement du président Lozada s'apprêtait à vendre le gaz avait entraîné une agitation populaire, dirigée par des syndicalistes paysans et par la Centrale Ouvrière Bolivienne (COB). Ce projet était d'autant plus choquant, aux yeux des opposants, que par ailleurs la Bolivie est très endettée et que la misère est immense (la moitié des neuf millions d'habitants vivent avec deux dollars par jour).

À l'époque, Lozada avait tenté la manière forte en faisant mitrailler des manifestants. Mais la répression, qui avait fait plusieurs dizaines de morts, avait plutôt fait grandir la colère et il avait dû jeter l'éponge.

Son successeur, universitaire et journaliste issu des mêmes milieux dirigeants, s'est retrouvé devant le même problème. Il a d'abord gagné du temps en proposant un référendum sur la question du gaz en juillet 2004, où l'option de la renationalisation était écartée et remplacée par une augmentation de la taxation des multinationales. Le président l'a emporté, mais la plupart des organisations syndicales appelaient à boycotter la consultation.

Comme pour son prédécesseur, l'objectif restait de tout faire pour ne pas renationaliser le secteur du gaz, afin de satisfaire les exigences des multinationales. Pour décourager les partisans de la nationalisation, il agitait le montant des sommes qu'il faudrait débourser pour dédommager les multinationales, qui n'allaient pas manquer de se dire lésées.

Mais la pression de l'opposition sur le Parlement avait conduit à un projet de loi mis au vote ces jours-ci. Inspiré par les propositions du référendum, il proposait une augmentation des redevances perçues par l'État sur le gaz auprès de ces compagnies, pour les porter, de 18% actuellement, à 50%.

En attendant, devant l'envol récent des prix des carburants vendus aux Boliviens (une augmentation de 10% à 23% selon les carburants), les grèves et les manifestations de rue, sous la forme de barrages routiers notamment, ont repris.

Vendredi, le projet de loi sur les hydrocarbures était finalement rejeté par les parlementaires, qui ont suivi les arguments du président bolivien. Celui-ci refuse un projet qui entraînerait une renégociation de tous les contrats avec les multinationales. Et samedi le gouvernement déployait l'armée sur une partie des gisements d'hydrocarbures, pour que ceux-ci ne soient pas occupés par les manifestants. Cependant, lundi, le président annonçait sa démission. C'est peut-être une manoeuvre puisque celle-ci, pour être irrévocable, doit encore être acceptée par les parlementaires.

Que Mesa soit remplacé ou pas, le problème pour le gouvernement reste entier: comment continuer à servir au mieux les multinationales étrangères et les classes possédantes, sans soulever la colère de la population?

Comme à chaque crise politique de ce genre, les États-Unis, qui disposent d'un millier de fonctionnaires sur place pour «aider» les dirigeants boliviens, ont mis leur grain de sel en appelant «les dirigeants politiques à travailler ensemble pour parvenir à un consensus national, pour une Bolivie plus stable et prospère». Mais cette Bolivie-là, la grande majorité des Boliviens, comme toute la population du continent sud-américain, n'en voit jamais la couleur.

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