Air France, après l’accident d’Orly : La vérité, elle, n’est pas aux ordres09/03/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/03/une1910.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Air France, après l’accident d’Orly : La vérité, elle, n’est pas aux ordres

La Direction régionale de l'Inspection du travail est venue de façon révoltante à la rescousse de la direction d'Air France, mise en cause par des travailleurs, des syndicalistes et un inspecteur du travail dans la mort d'une hôtesse de l'air, à Orly, le 1er février. Ce n'est guère surprenant car la direction de la compagnie fait tout pour tenter de dégager sa responsabilité de ce tragique accident. Et alors que, par souci de rentabilité, elle rogne aussi sur les moyens humains et matériels qui assureraient un maximum de sécurité au travail, elle ose accuser ceux qui sont les premières victimes de sa politique: les salariés.

Sachant que ces économies dangereuses ne peuvent passer inaperçues et que la meilleure défense est l'attaque, la direction a pris les devants. Elle charge le personnel, notamment un agent de piste qui, prétend-elle, aurait retiré l'engin qu'il conduisait sans vérifier que les portillons de cet escalier mobile et les portes de l'avion étaient bien fermés. Cette version, contredite par de nombreux témoignages, n'est étayée par aucune enquête officielle en cours; mais peu importe, la propagande patronale se charge de l'imposer. Ainsi les 60000 salariés de la compagnie ont reçu, chacun, une lettre de la direction accusant l'agent de piste, et le public a eu droit au même discours, relayé par les médias et les autorités.

Alors le 24 février, quand le ministre des Transports dut reconnaître l'existence du rapport d'un inspecteur du travail mettant en cause la responsabilité de la direction, elle fit grise mine, mais ne se démonta pas.

Ce rapport d'après accident relevait l'insuffisance du personnel de piste, la non-conformité ou l'état dégradé du matériel utilisé, au regard des normes de sécurité. En outre, il mettait cela en relation avec la douzaine d'incidents -heureusement moins dramatiques, mais de même origine que celui du 1er février- survenus en cinq ans. Soulignant leur fréquence accrue, cet inspecteur mettait Air France en demeure d'appliquer des mesures de sécurité, maintes fois demandées par les CHSCT (Comités hygiène, sécurité et conditions de travail) et les organismes d'assurance-maladie, mais refusées par la direction.

Ni celle-ci ni le ministre des Transports ne se donnèrent la peine de répondre. Le ministre qualifia de «provisoire» ce rapport accablant pour une direction qui, elle, disait: «Nous attendons les observations de la Direction régionale du travail». Ils auraient su pouvoir compter sur les supérieurs de l'inspecteur du travail, qu'ils n'auraient pas eu d'autres mots. Et si cela n'avait pas suffi, il y aurait toujours eu le ministre du Travail pour remettre les choses dans l'ordre (patronal).

La Direction régionale de l'Inspection du travail va-t-elle au-devant des désirs de la direction d'Air France? Cela y ressemble. Juste un exemple: «Le jour de l'accident, dit-elle, l'équipe de piste est complète, si l'on se réfère à l'usage.» Quel usage? Celui que la direction a instauré au printemps 2004 en réduisant l'effectif des équipes de piste, ce qui viole ses propres procédures (règlements impératifs) de sécurité. Un effectif d'autant plus insuffisant qu'un passager avait fait une crise cardiaque. Cela avait obligé, procédure inhabituelle, à débarquer passagers et personnel par la porte arrière (celle de l'avant étant réservée à l'équipe médicale), donc à amener un escalier mobile qu'un agent de piste a dû manoeuvrer sans visibilité, et sans personne pour le guider, son unique camarade étant parti convoyer les bagages. La suite, horrible, est connue.

La direction peut mentir, chercher des relais pour la couvrir et tenter d'opposer les différentes catégories de personnel, les faits sont là. Et après la grève des agents de piste, ce sont les pilotes, hôtesses et stewards qui exigent maintenant qu'elle mette en oeuvre les effectifs et moyens matériels qui assurent un embarquement et un débarquement en toute sécurité.

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