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- Lutte ouvrière n°1906
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Editorial
Après les manifestationsdu 5 février : Et maintenant ?
Malgré les manifestations de samedi 5 février, le gouvernement continue comme si de rien n'était à imposer sa «réforme» de la loi des 35 heures. Le projet supprime les quelques avantages de la loi Aubry pour les travailleurs. Cette loi avait réduit l'horaire de travail, et encore, pas pour l'ensemble des travailleurs. Elle imposait en même temps aux travailleurs la flexibilité des horaires, l'annualisation du temps de travail, le blocage des salaires, sans parler des subventions accordées aux patrons sous prétexte de compensation.
La nouvelle loi une fois votée, les patrons garderont tous les avantages, et les travailleurs ne bénéficieront même pas de la réduction du temps de travail.
Les ministres se relaient dans les radios et télévisions pour affirmer que le gouvernement ne reculera pas. Et de faire mine de s'étonner que l'on puisse manifester contre une «liberté supplémentaire» donnant aux travailleurs le droit de «travailler plus pour gagner plus». Comme si c'étaient les travailleurs qui avaient la liberté de choisir leur temps de travail! On les obligera à travailler plus mais pour gagner à peine plus car, pour beaucoup de travailleurs, les heures supplémentaires ne seront même plus payées comme telles, ou seulement à 10% de plus au lieu de 25%.
Cette nouvelle loi est une attaque crapuleuse contre les travailleurs. Une de plus. Sous les coups des patrons et des gouvernements, la condition ouvrière ne cesse de se dégrader. Le pouvoir d'achat baisse même pour ceux qui conservent leur emploi. Il s'effondre pour tous ceux qui n'ont qu'un emploi précaire mal payé. Pendant que les salaires sont bloqués, les prélèvements continuent à augmenter: les impôts, la Sécurité sociale, les mutuelles. La pauvreté s'accroît même pour ceux qui travaillent et, à plus forte raison, pour ceux qui n'arrivent pas à sortir du chômage. Depuis plus de vingt ans, quel que soit le gouvernement, la part des salariés ne cesse de diminuer par rapport à la part du patronat.
On ne peut pas tolérer que cela continue! Il est évident qu'une seule journée de manifestations ne suffira pas à arrêter le gouvernement et le patronat.
Le soir des manifestations, le secrétaire général de la CGT, Bernard Thibault, a annoncé «qu'on va discuter dans les entreprises des suites à donner au mouvement». Mais pourquoi n'y a-t-il pas de propositions claires? Pourquoi les syndicats ne proposent-ils pas un plan de lutte, de façon à ce que les travailleurs sachent quelles sont les étapes suivantes, pour entraîner ceux qui aujourd'hui hésitent encore? Pourquoi n'est-il question, après le 5 février, que de journées d'action par corporation, dans l'Éducation nationale par exemple ou dans la métallurgie?
Mais, par-delà les corporations, tous les travailleurs ont les mêmes problèmes: salaires insuffisants, menaces de précarité et de chômage. Ce sont les salaires qui doivent augmenter, pas les horaires! C'est sur les profits qu'il faut prendre de quoi préserver l'emploi et le pouvoir d'achat!
Le porte-parole du gouvernement a affirmé, avec un mépris condescendant, qu'il n'a pas été surpris par les manifestations, dont il aurait prévu le nombre de participants. Et Raffarin d'ajouter qu'il est normal que les manifestants expriment leur désaccord, mais que cela n'empêchera pas le gouvernement de continuer!
Eh bien, il faut que tous ces gens n'aient pas affaire seulement à des manifestations dont ils peuvent penser qu'elles seront sans lendemain. Il faut qu'une véritable crise sociale leur éclate à la figure. En 1995, malgré sa superbe, Juppé avait été obligé de reculer devant les cheminots. Il faudrait une mobilisation semblable, mais à une autre échelle, avec non pas une seule corporation mais l'ensemble du monde du travail. C'est seulement par une réaction collective ample, explosive, incontrôlable, que les travailleurs pourront faire taire ces ministres cyniques, larbins du Medef, stopper les coups qui sont portés contre leurs conditions d'existence et arrêter la chute dans la pauvreté.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 7 février 2005