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Argentine : Une économie dévastée...dont les capitaux français tirent profit
Jeudi 20 janvier, Chirac recevait le président argentin, Nestor Kirchner, qui vient chercher auprès de l'Union européenne des soutiens au moment où se renégocie la dette argentine. Si, pour la galerie, Chirac a évoqué le "soutien de la France à l'Argentine", il a plutôt été question du soutien du gouvernement français... aux exigences des entreprises françaises, présentes dans ce pays, et qui cherchent à obtenir une hausse des tarifs auxquels elles vendent leurs services.
Lors de la vague de privatisations des grandes entreprises d'État menée par le gouvernement Menem au cours de ses dix ans de règne (1989-1999), plusieurs grandes entreprises européennes se sont emparées des services publics, parmi lesquelles des entreprises françaises comme Suez, EDF ou France Télécom. Elles ont ainsi mis la mains sur la gestion de secteurs névralgiques: l'eau, l'électricité, le téléphone, etc.
Mais l'effondrement de l'économie argentine en 2002 -une situation dont le pillage des ressources par les prédateurs que sont les grandes entreprises du monde impérialiste porte une large part de responsabilité- a bloqué les tarifs auxquels ces services sont vendus au public. La cause première étant l'insolvabilité complète de la moitié de la population plongée dans une profonde misère.
Depuis un an et demi, le gouvernement Kirchner bénéficie d'un léger redressement de l'économie argentine. Celle-ci a retrouvé un rythme de croissance d'environ 8 ou 9% par an, ce qui a permis à une partie des classes moyennes de refaire surface, mais pas à la population ouvrière de sortir de la misère. Et une hausse des tarifs publics ne pourrait en aucun cas y contribuer. Bien au contraire! Mais, de cela, les grandes entreprises françaises se moquent bien. Les "bons chiffres" de croissance ne sont pour elles que le signal de la reprise du pillage des richesses du pays.
Les entreprises de l'eau et de l'électricité exigent que les tarifs publics soient réajustés en leur faveur. Elles ont donc mis la pression sur le gouvernement Kirchner pour l'obtenir. Le ministre argentin de l'Économie, Roberto Lavagna, a fait un pas dans cette direction en évoquant une augmentation des tarifs qui pourrait aller jusqu'à 16%. Mais Suez, qui à travers sa filiale Aguas Argentinas, dont elle possède 46% des actions, contrôle notamment le service des eaux et des égoûts de la capitale, souhaite une hausse de 60% des tarifs!
En attendant, EDF et Suez ont suspendu certains de leurs services. Pour obtenir qu'elles les rétablissent, le gouvernement Kirchner les a mis à l'amende: 500000 euros pour Aguas Argentinas et 100000 euros pour Edenor (filiale d'EDF). Avec le cumul des impayés, Suez doit ainsi 15 millions d'euros à l'État argentin. Et celui-ci menace Aguas Argentinas de se voir retirer la concession qu'elle détient depuis 1993.
Si Kirchner a choisi d'afficher publiquement un semblant de résistance aux exigences des grandes entreprises étrangères, c'est que de prochaines élections auront lieu dans neuf mois et qu'il sait que la partie populaire de son électorat est sensible à la situation des services publics dans un pays où la vie est, chaque jour, très difficile.
Quant à Chirac, dont la raison d'être est de faciliter la vie des grandes entreprises françaises, s'il salue "le remarquable travail de reconstruction économique et financière" et "l'aptitude de l'Argentine à poursuivre son redressement", il est surtout l'interprète des grandes entreprises françaises qui n'ont qu'une hâte: tirer le maximum de profits de ce redressement, même si cela menace de mettre l'Argentine à nouveau à genoux.