Seillière et l’origine de sa fortune20/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1903.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Seillière et l’origine de sa fortune

Dans son dernier ouvrage, Main basse sur Alger, Pierre Péan rappelle l'origine de la fortune de la famille Seillière. Les deux fondateurs lorrains de la maison qui fournit pendant plusieurs années un patron au Medef étaient «spécialisés dans le commerce et la fabrication de draps et tricots pour l'armée; ils ont développé leurs affaires, qui ont progressé avec l'extraordinaire explosion des campagnes militaires de la Révolution et surtout l'épopée napoléonienne». Un des fils, Nicolas, monte à Paris et fonde la banque Seillière en 1807, «si bien que les Seillière, devenus à la fois manufacturiers, négociants et banquiers, sont à la fin de l'Empire l'un des trois fournisseurs des armées».

L'essor de la maison, toutefois, sera lié à la conquête de l'Algérie, en 1830, et au détournement de la majeure partie du trésor de la Casbah. La maison Seillière se voit seule attribuer le marché des vivres de l'expédition d'Alger. À raison d'une commission invariable, quelle que soit la valeur des achats, cela représente un bénéfice d'autant plus confortable que les Seillière sont en position dominante «pour obtenir des prix inférieurs à la valeur moyenne des denrées.(...) Pour en effectuer le transport, la maison Seillière constitue une armada de 357 bateaux.»

Au retour, après la conquête d'Alger, s'étant vidés de ces denrées, certains de ces bateaux déclarent transporter «du plomb». Miracle de l'alchimie, ce plomb se transforme en or à l'arrivée! Une partie de cet or -moins d'un dixième- va atterrir dans les caisses de l'État, mais la plus grande part du trésor, estimé à l'équivalent de 4 milliards d'euros, disparaît dans les poches de ceux qui, militaires, fonctionnaires ou capitaines d'industrie, ont participé au pillage d'Alger... sans oublier celles du roi.

«La maison Seillière et Adolphe Schneider, son représentant à Alger, étaient dans une position extrêmement favorable, en dehors même de ces contrats juteux passés avec le ministère de la Guerre, pour faire partie des grands bénéficiaires de la prise d'Alger. Prévus pour acheminer la partie clandestine du trésor vers la cassette de Charles X, les bateaux de l'armada Seillière ont certainement servi à transporter l'or et l'argent détournés. François-Alexandre Seillière et Adolphe Schneider ont également pu favoriser le recyclage de cet argent dans le circuit bancaire. (...) Leur position et leurs relations leur ont aussi permis d'acquérir, à de très bonnes conditions, les marchandises et produits divers pillés dans les magasins, ainsi que les biens des Turcs obligés de quitter la Régence. À combien s'est élevé leur bénéfice dans cette affaire? Apparemment suffisamment pour prendre un nouvel essor et devenir les plus grands sidérurgistes de l'industrie française», conclut Pierre Péan.

Contrairement à la légende qu'elles entretiennent, le travail et le sens de l'économie ont peu de place dans l'origine de la fortune des grandes familles, et dans le pouvoir économique et politique qu'elles ont conquis.

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