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- Lutte ouvrière n°1903
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Leur société
Sarkozy, de Villepin et l’immigration : Querelles politiciennes et démagogie anti-immigrés
Le torchon brûlerait entre Sarkozy, le nouveau patron de l'UMP, et le président de la République, Chirac, à propos de l'immigration. Le premier serait favorable à des quotas d'immigration, tandis que le second y serait hostile. Pour contrer son ancien ministre de l'Intérieur, Chirac a fait monter au créneau deux de ses ministres, de Villepin et Borloo. Mais entre les uns et les autres, le désaccord est bien mince.
Pour Sarkozy il faudrait mettre en oeuvre des quotas d'immigration selon la nationalité, les diplômes, les métiers, afin de canaliser les flux migratoires. Faux problème, rétorque deVillepin, car cela n'empêcherait pas l'entrée des clandestins, et de citer le chiffre de 8 à 10 millions d'immigrants clandestins aux États-Unis, pays qui pratique une politique de quotas. Au passage, celui-ci en profite pour désigner comme boucs émissaires les immigrés clandestins, vis-à-vis de qui il affiche sa fermeté. Il propose d'en reconduire 20000 à la frontière d'ici à la fin de l'année, suivant en cela la voie indiquée par son prédécesseur au ministère de l'Intérieur... un certain Sarkozy! Mais dans la surenchère, deVillepin n'est pas en reste et réclame, pour se distinguer de son prédécesseur, un tour de vis supplémentaire à l'égard des étrangers avec la mise en place d'un fichier central, avec photos et empreintes digitales, de tous ceux qui entrent en France, pour mieux les expulser le cas échéant.
Sarkozy est alors monté sur ses grands chevaux, affirmant dans une interview au Figaro, du 17 janvier dernier, qu'on l'a mal compris, qu'il n'a jamais parlé de «quotas par zone ou par nationalité» mais de «quotas par métier». L'ancien ministre de l'Intérieur voudrait seulement contrôler les flux migratoires, proposer des solutions à l'immigration qui serait, selon lui, «un vrai sujet», qui «préoccupe les Français» et «qu'il faut profiter de l'accalmie de l'extrémisme de droite pour en parler sereinement et le traiter enfin». Mais c'est ce que le gouvernement propose, s'insurge de Villepin, qui affirme avoir parlé le premier de l'«immigration choisie» au lieu de «l'immigration subie»!
En fait, pour deVillepin comme pour Sarkozy, il s'agit, côté cour, de flatter les préjugés xénophobes d'une fraction de l'électorat. Mais, côté jardin, il s'agit aussi de répondre au souci du patronat qui a besoin d'une main-d'oeuvre qualifiée pour pallier le manque de personnel dans tel ou tel créneau, et aussi pour peser sur les salaires, ce dont il ne se prive pas.
Mais le patronat ne veut pas seulement cette main-d'oeuvre qualifiée, mais aussi une main-d'oeuvre capable d'assumer les travaux les plus pénibles, les plus ingrats, les plus rudes. Et de ce point de vue, l'immigration clandestine ne le gêne pas. Il n'est pas plus regardant sur les lois en la matière qu'il ne l'est sur leur application dans ses entreprises. De cette immigration-là, il s'en arrange fort bien quand il n'en profite pas directement. C'est vrai dans des branches comme l'habillement et le bâtiment. Mais c'est aussi vrai dans de grandes entreprises de construction industrielle qui, par le biais des entreprises sous-traitantes, utilisent une main-d'oeuvre au statut mal défini, en évitant elles-mêmes de se trouver formellement hors la loi.
Cette politique patronale peut varier en fonction de la situation, mais elle a toujours été une composante de son recrutement. Ce furent, avant guerre, des Polonais qui se retrouvèrent à piocher au fond des mines de charbon du Nord, des Italiens recrutés pour les mines de Lorraine. Puis, plus tard, ce furent des Marocains recrutés dans leur pays pour travailler sur les chaînes des usines automobiles en France.
Alors, quand les ministres parlent de «traiter le problème de l'immigration», c'est toujours du point de vue du patronat, en ne dédaignant pas au passage quelques assauts de démagogie anti-immigrés. Pour les travailleurs, il n'y a qu'une seule façon d'y répondre: lutter en leur sein contre toute division entre travailleurs autochtones et immigrés, pour l'égalité des droits sociaux et politiques, pour l'égalisation des salaires et des conditions de travail non pas par le bas, mais par le haut.