Palestine : Après l’élection de Mahmoud Abbas13/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1902.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Palestine : Après l’élection de Mahmoud Abbas

C'est sans surprise que, dimanche 9 janvier, Mahmoud Abbas a été élu Président de l'Autorité palestinienne. Le successeur de Yasser Arafat a obtenu plus de 62% des voix, suivi de loin par Moustapha Barghouti qui en a obtenu 19,8%. Un peu partout, on a parlé de la preuve de maturité donnée par les Palestiniens de Cisjordanie et de Gaza par leur participation à cette élection. On a moins insisté en revanche, sur les obstacles mis jusqu'au bout par les troupes d'occupation israéliennes. Les points de contrôle de l'armée, les restrictions de circulation qui empoisonnent quotidiennement la vie des Palestiniens, n'ont été levés que très partiellement pour le jour du vote. Enfin, seule une toute petite partie des habitants arabes de Jérusalem-Est, revendiquée par les Palestiniens mais annexée par l'État d'Israël, a pu participer à la consultation.

On a beaucoup parlé aussi, à l'approche de ce vote, du nouveau climat qui régnerait entre Palestiniens et Israéliens à la suite de la mort d'Arafat, et qui pourrait faire espérer la reprise d'un processus de paix. Là aussi, c'est oublier un peu vite que l'attitude de l'occupant israélien n'a pas changé. Les attaques de l'armée israélienne, notamment dans la bande de Gaza, n'ont pas cessé. Depuis le 25 novembre, soit moins de deux mois, elles ont fait parmi les Palestiniens 68 morts et 135 blessés, et détruit 95 maisons. C'est sous cette menace constante et sous ces coups que la campagne électorale et les élections se sont déroulées.

À cette occasion, alors que des médias du monde entier se sont intéressés à ce qui se passait en Palestine, bien des habitants de la Cisjordanie et de Gaza ont exprimé leur désir de voir finir ce conflit interminable, la violence quotidienne et la misère qu'ils subissent du fait de l'étouffement économique des Territoires. De nombreux Israéliens aussi, d'ailleurs, ont exprimé leur lassitude, ainsi que leur conviction qu'un jour ou l'autre, il faudra bien parvenir à un accord, trouver le moyen de coexister avec les Palestiniens.

Et en effet, il n'y a pas d'autre solution que de parvenir à une coexistence fraternelle des deux peuples, israélien et palestinien, reconnaissant à chacun un même droit à l'existence nationale, et aussi à l'égalité sur le plan matériel. Malheureusement, depuis des années, c'est essentiellement la politique des dirigeants israéliens qui barre la route à une telle voie. Le mur érigé par Israël dans les territoires occupés est le symbole de cette coupure de plus en plus profonde qu'ils ont introduite entre les deux peuples par leur politique de force. Ils en ont la responsabilité principale, même si la politique d'attentats terroristes menée par des organisations islamistes comme le Hamas l'est aussi en partie. Car ce «terrorisme du pauvre» ne fait que répondre au véritable terrorisme d'État qui est la politique de l'armée israélienne à l'égard des Palestiniens.

Il est vrai que les dirigeants israéliens envisagent maintenant de se retirer complètement de la bande de Gaza. Mais c'est parce qu'ils sont convaincus de l'impossibilité, à long terme, de s'y maintenir, et non pas de la nécessité de parvenir à une solution acceptable pour les deux parties. Le fait que ce retrait soit unilatéral, sans discussion avec la partie palestinienne, le montre. Et chacun voit que leur calcul est, en revanche, de renforcer leur présence et l'implantation de colonies en Cisjordanie.

Bien sûr, à la suite de l'élection, Sharon a déclaré qu'il rencontrerait Mahmoud Abbas, et à Washington George W. Bush a fait de même. Mais on sait déjà que les dirigeants israéliens demanderont d'abord au nouveau président palestinien de montrer sa capacité à faire cesser les activités des groupes armés dans son propre camp, sans s'engager de leur côté à faire cesser leurs attaques. Ils demandent au dirigeant palestinien de faire la police dans son camp, sans envisager de cesser leur politique de force et sans même s'engager sur les concessions pouvant mener à la paix.

Enfin, il faut rappeler que le «modéré» Mahmoud Abbas a déjà été premier ministre d'Arafat et avait fini par démissionner, entre autres parce que les dirigeants israéliens n'ont rien fait pour répondre à ses ouvertures.

Alors, l'élection passée, on peut craindre que le nouveau climat décelé par les commentateurs ne débouche rapidement sur rien d'autre que sur la poursuite du conflit. Ce serait en tout cas la logique de la politique des dirigeants israéliens, au moins tant qu'ils auront les moyens de la mener.

Bien sûr, il reste les espoirs de paix d'une grande partie de la population, que celle-ci a exprimés dans les deux camps. Mais ceux-ci ne peuvent avoir une chance de se concrétiser que si, en particulier du côté israélien, ils ne restent pas un espoir passif. C'est contre la politique guerrière de ses dirigeants, contre leur arrogance, leurs provocations continuelles à l'égard des Palestiniens, que la population israélienne elle-même doit faire valoir sa volonté de paix et la conscience de la nécessité d'une coexistence fraternelle avec le peuple palestinien.

Sans cela, il n'y aura pas de liberté pour le peuple palestinien, mais il n'y en aura pas non plus pour les Israéliens, condamnés eux aussi à porter le poids d'une guerre sans fin, de ses dépenses, de ses morts, de la crise qui finit par miner leur propre société, de la militarisation et de l'influence croissante des partis intégristes; et à jouer pour les décennies à venir le triste rôle de gardiens, dans un pays qui ressemblera de plus en plus à un camp de concentration.

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