Le moratoire sur la dette des pays d’Asie : Une générosité en trompe-l’oeil13/01/20052005Journal/medias/journalnumero/images/2005/01/une1902.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Le moratoire sur la dette des pays d’Asie : Une générosité en trompe-l’oeil

Les ministres des Finances du G7, qui regroupe les sept États les plus riches, ont décidé de proposer un moratoire sur la dette publique, c'est-à-dire les prêts faits par les États aux pays d'Asie frappés par le tsunami. Ce moratoire -c'est-à-dire la suspension provisoire du paiement des intérêts de la dette- doit être approuvé par les membres du Club de Paris, qui regroupe les États créanciers et qui a le pouvoir de prendre la décision.

Bien sûr, on peut toujours se dire que cette décision, si elle est prise et surtout appliquée, allégera un peu le fardeau que représente la dette pour ces pays pauvres qui viennent de subir d'immenses destructions. Alors que la totalité des promesses de dons (émanant des États et des particuliers) s'élèverait pour l'instant à plus de 5 milliards de dollars, les intérêts de la dette représentent un paiement en sens inverse de plusieurs fois cette somme... chaque année. Mais la parcimonie de cette mesure a de quoi écoeurer, d'autant plus que ce geste, pour limité qu'il soit, n'est pas aussi généreux qu'il veut le paraître.

Le Club de Paris ne gérant qu'environ un quart de la dette des pays d'Asie, les mesures qu'il se propose de prendre ne concerneront de toute façon qu'une partie des sommes en cause. Les États créanciers sont avant tout motivés par leurs propres intérêts bien compris. Remarquons tout d'abord qu'ils ne proposent qu'un report du paiement des intérêts de la dette, et nullement son annulation. Ils savent bien qu'une partie des pays débiteurs auraient eu bien du mal à honorer leurs créances qu'ils considèrent comme irrécupérables. Ce genre de geste est donc surtout une manière pour les pays riches de soigner leur image de marque finalement à bon compte vis-à-vis des populations, notamment dans des pays à majorité musulmane où ils en ont bien besoin. Colin Powell, arrivant en Indonésie, a déclaré en toute ingénuité: «Je pense donner au monde musulman et au reste du monde l'occasion de prendre la mesure de la générosité américaine et d'apprécier les valeurs américaines en action».

Encore faudrait-il que l'argent ainsi économisé par les États débiteurs, si les pays riches passent l'éponge sur leurs dettes, profite aux populations victimes du tsunami, ce qui ne sera pas le cas. Comme l'a expliqué, le Premier ministre australien, John Howard: «Les dettes ne sont généralement pas dues par les personnes qui ont besoin d'une aide, mais par des organisations. Et rien ne nous garantit que si l'on décrète un moratoire sur la dette, cet argent finisse là où il devrait finir». Howard utilise là un bon prétexte pour opposer une fin de non-recevoir à ceux qui lui demandent d'effacer purement et simplement la dette de ces pays. Mais sa remarque n'est pas sans fondement.

D'ailleurs, les mécanismes économiques eux-mêmes risquent de faire payer ce moratoire aux pays concernés et d'annuler au bout du compte une partie, voire la totalité, du gain qu'ils étaient censés en retirer. En effet, les banques privées délivrent en permanence des «notes» aux différents États pour apprécier leur fiabilité en tant qu'emprunteurs, et pour fixer les taux d'intérêts auxquels les nouveaux emprunts seront contractés. Or, le moratoire aurait comme effet de faire baisser la note de ces pays, et donc de renchérir par la suite le coût de leurs futurs emprunts. C'est d'ailleurs la raison qu'ont invoquée la Thaïlande et l'Indonésie pour refuser ce moratoire.

Quand un usurier prétend aider son débiteur, il faut toujours se méfier.

Partager