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Dans le monde
Allégements et annulations de dettes : Des précédents édifiants
Il n'est pas rare que les pays créditeurs aient décidé l'annulation d'une partie de la dette de pays pauvres. Derrière des mesures présentées sous le masque de la générosité et de l'humanisme, se cachent des calculs qui n'ont rien à voir avec l'amélioration de la situation des populations.
Ainsi le G7, relayé par le FMI et la Banque Mondiale, avait-il lancé en 1996 une initiative baptisée «PPTE» (Pays Pauvres Très Endettés). Elle consistait à annuler près de 100 milliards de dollars de dette pour 34 pays, la France étant une des premières concernées avec 10 milliards d'annulation. Derrière ce qui pourrait paraître comme une aubaine pour les pays pauvres, la réalité était moins glorieuse. Car si les dettes annulées étaient de toute façon irrécouvrables depuis longtemps, les annulations avaient comme contrepartie obligatoire un renforcement de l'emprise des créanciers sur la politique économique des pays concernés. À tel point que certains États, comme le Laos, avaient refusé de «bénéficier» de cette mesure! En fait, ces «annulations PPTE» ont avant tout servi à assurer les créanciers du versement plus régulier des intérêts, et au total, elles ont alourdi le fardeau des débiteurs.
La France, quant à elle, pratique de surcroît depuis quatre ans la technique dite du «refinancement par don»: vis-à-vis des États qui lui doivent directement de l'argent, elle ne propose pas d'effacer leurs dettes, mais en échange du paiement des intérêts, elle procède à un don équivalent de sa part. Il ne s'agit pas dans ce cas pas d'annulation globale de la dette à proprement parler, mais d'un engagement à compenser les intérêts par un mouvement en sens inverse. Le prétexte invoqué serait de pouvoir contrôler l'utilisation des sommes, et de s'assurer que les bénéficiaires en soient les populations. Mais là encore, la réalité est à l'opposé des intentions proclamées. Cette procédure se traduit par une mise sous tutelle des États débiteurs. Ceux-ci n'ont plus de marge de décision sur l'utilisation de l'argent car le «don» est invariablement affecté à des achats auprès d'entreprises françaises. Les «dons» en question sont d'ailleurs déduits du contingent alloué à l'aide aux pays pauvres! C'est l'État débiteur qui «s'aide» lui-même ou plutôt qui aide ainsi les banquiers et industriels français, bénéficiaires des commandes avec les intérêts de la dette. Et cela est couronné par le renforcement de la mainmise de l'État français sur d'autres États -essentiellement africains. Il n'est pas fini le temps des colonies!