Les trajets exclus du temps de travail : Le gouvernement aux petits soins pour les patrons23/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1899.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les trajets exclus du temps de travail : Le gouvernement aux petits soins pour les patrons

Le vote de la loi dite de «cohésion sociale» de Borloo a été l'occasion pour quelques députés de droite de rajouter au passage certains amendements du meilleur goût patronal.

Entre autres, un certain Jean-Michel Fourgous, député UMP, a fait adopter une disposition qui permet dorénavant, et dans certaines conditions, de ne plus compter comme temps de travail le temps passé par le salarié à se rendre de son entreprise vers le «lieu d'exécution» du contrat de travail.

En clair, lorsqu'un salarié du bâtiment, par exemple, ira de l'entreprise de son employeur où il a récupéré ses outils, jusqu'à son chantier, il ne sera pas considéré en travail «effectif». C'est une belle ignominie, que l'auteur de l'amendement justifie la main sur le portefeuille, en faisant remarquer que «le législateur (c'est-à-dire la gauche avec sa loi sur les 35 heures) a déjà exclu les temps de pause et d'habillage du temps de travail effectif. La disposition proposée est donc tout à fait cohérente.» Cohérente, certes, mais dans la logique qui voit les gouvernements de gauche et de droite se succéder pour aggraver, chacun leur tour, la situation des salariés.

Même si l'application concrète de cet amendement risque fort de donner lieu à des arguties juridiques sans fin (car le texte précise que pour être exclu du temps de travail, ce temps de trajet doit être supérieur à celui que met le salarié à venir à l'entreprise, temps qui varie d'un salarié à l'autre), il met entre les mains des patrons une arme de plus, pour faire pression sur leurs employés.

La disposition, qui vise paraît-il les cadres grands voyageurs, touche en réalité bien des secteurs et explicitement le secteur du bâtiment, où les conditions de travail et les salaires sont déjà déplorables, et les syndicats très faibles. Grands princes, Fourgous et le gouvernement ont prévu une contrepartie qui devrait être proposée par le patron. Mais si cette dernière ne peut être «déterminée par convention ou accord collectif», elle le sera «à défaut, par décision unilatérale de l'employeur». Autrement dit, l'employeur aura d'autant plus loisir d'en décider seul que ses propositions initiales seront inacceptables!

Dans le bâtiment, mais aussi dans tous les autres secteurs, la porte est donc ouverte pour que les trajets des salariés vers les chantiers, mais aussi vers les clients, ou les lieux d'intervention pour les dépanneurs, soient exclus du temps de travail.

Avec ces nostalgiques du Moyen Âge, où la main-d'oeuvre était «taillable et corvéable à merci», il y a des révolutions qui se perdent.

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