Hôpital Sainte-Anne (75) : Une régression continue depuis 20 ans23/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1899.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Hôpital Sainte-Anne (75) : Une régression continue depuis 20 ans

À l'hôpital Sainte-Anne, à Paris, comme dans d'autres hôpitaux, la méthode bien rodée pour réduire les effectifs a consisté, lorsqu'un chef de service partait à la retraite, à fusionner son ancien service avec un autre. Cela se voulait une mesure indolore. Mais l'administration s'est servie de cette mesure pour inventer la notion de «doublon» (deux services remplissant la même fonction), avec comme conséquence la fermeture de lits! Dans le même temps, des structures d'accueil externes à l'hôpital furent mises en place et cela bien souvent avec l'aval du personnel, qui pensait mettre en place des structures efficaces. Il s'agissait de dispensaires, de services de jour et de nuit installés dans des locaux privés, de foyers, d'appartements «thérapeutiques» situés dans les différents arrondissements de Paris qui dépendent de l'hôpital Sainte-Anne.

Cette évolution correspondait en même temps à un désir des soignants, souvent suggéré par la littérature médicale en vogue, d'«ouvrir les portes de l'hôpital, faire disparaître l'asile pathogène pour ouvrir sur l'extérieur, la vie».

Pour faire avaler la pilule au personnel, l'administration disait «on ferme un lit, en échange, on ouvre une place dans un service extra-hospitalier». Mais les postes de soignants disparaissaient aussi peu à peu, sous prétexte que les lits fermaient et qu'il y avait moins besoin de soignants pour l'extra-hospitalier! Les départs en retraite ou autres ne furent pas remplacés. À Sainte-Anne (2200 employés sans compter les médecins) la direction, aujourd'hui, reconnaît du bout des lèvres qu'il manque plus de 270 soignants, les syndicats en déclarent 500.

Avec les 35 heures sans embauche, les conséquences ne se sont pas fait attendre. Il y avait encore moins de soignants dans les services, les équipes de nuit furent démunies, des aides-soignants remplacèrent les infirmiers, des journées de travail étaient doublées pour pallier au pied levé l'absence des collègues. Des jours de repos furent supprimés ou déplacés, des lits et services fermés pour que le personnel puisse prendre les vacances d'été. Ce fut le règne des heures supplémentaires à tout va, on employa des vacataires, des intérimaires sans formation, en particulier dans le domaine de la maladie mentale, malheureusement incapables de venir au secours d'un collègue ou d'un patient agité!

On nous raconte que les patients ne doivent plus être hospitalisés trop longtemps, trois semaines pour juguler la crise, au-delà ils doivent être suivis à l'extérieur. C'est en tout cas ce qui est imposé aux médecins par la Sécurité sociale. Si les malades n'ont pas de logement, de famille, ils se réfugient non loin de l'hôpital Sainte-Anne dans les hôtels miteux, sous les ponts, dans le métro. Ils ne sont pas livrés sans viatique à la jungle des villes: à leur sortie de l'hôpital, ils reçoivent... la liste des associations caritatives à contacter.

Il n'est pas rare, pour nous soignants, de rencontrer un ancien patient de l'hôpital allongé dans un coin de porte de la capitale ou dans le métro, sans soins, incapable de se lever et de s'alimenter, alors que pendant des années, il a été suivi dans un des services où nous travaillons.

Suivre les patients pendant des années, les entourer, éviter les crises, suivre l'évolution de la maladie, tout cela devient impossible. Bien des malades dangereux parce que non soignés sont dans la rue, ou soignés en «extra-hospitalier», alors qu'ils devraient être hospitalisés, de leur point de vue comme du point de vue de leur entourage.

Comme le nombre de lits et de soignants, médecins et infirmières, est largement en dessous des besoins, faire soigner aujourd'hui un patient dans un hôpital, qu'il vienne seul ou accompagné de sa famille, emmené par les pompiers, sur demande du médecin de famille, cela devient très difficile. Il n'est pas rare d'attendre un délai d'un mois pour avoir un rendez-vous avec un psychiatre dans un dispensaire. Quant aux psychiatres en cabinet privé classé secteur 2, le délai pour un rendez-vous est plus court, mais il faut payer plus cher les dépassements d'honoraires non pris en charge par la Sécurité sociale.

Un exemple de plus, et combien douloureux, de la grande misère des hôpitaux!

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