Temps de travail : La droite met à profit la souplesse de la loi Aubry15/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Temps de travail : La droite met à profit la souplesse de la loi Aubry

"Un virage lourd en matière de régression sociale", a commenté la présidente PS de la région Poitou-Charentes, Ségolène Royal, après l'annonce par le gouvernement des changements apportés à l'application de la loi sur les 35 heures. "Les assouplissements nécessaires avaient déjà été adoptés", a-t-elle même reconnu, tant il est vrai que la loi Aubry (de 1998, revue en janvier 2000) n'a pas attendu Raffarin pour présenter la souplesse exigée par les patrons. Dès sa première mouture, elle a été un instrument contre les travailleurs.

La loi Aubry a certes abaissé la durée légale du travail de 39 à 35 heures, mais avec quelles contreparties! Il n'a pas été question de travailler sept heures par jour pendant cinq jours, loin de là. La loi a été ficelée de façon à instaurer la flexibilité des horaires de travail. Elle a laissé aux patrons la possibilité de recourir largement aux heures supplémentaires (en principe plafonnées dans un premier temps à 130 heures annuelles), tout en introduisant la notion du "temps de travail effectif", excluant par exemple les temps de pause de l'horaire de travail.

Avec l'annualisation du temps de travail, les patrons ont pu allonger ou raccourcir les horaires en fonction du carnet de commandes, sans toujours payer d'heures supplémentaires, passant de semaines de 48 heures à des semaines de 20 heures ou moins, selon les besoins de la production. Cette souplesse, tout à l'avantage du patronat, s'est accompagnée d'une clause de modération salariale et même d'un gel des salaires, sous prétexte que la loi réduisait en principe la durée hebdomadaire de travail sans réduire le salaire.

En somme, la gauche plurielle a profité de son séjour au gouvernement pour mettre entre les mains des patrons un mécanisme légal de flexibilité des horaires et des conditions de travail des salariés.

Après Fillon en 2003, Raffarin aujourd'hui ne fait en réalité que pousser plus loin ce dispositif, selon les souhaits du Medef, sans même avoir besoin de faire une autre loi.

Fillon avait relevé le plafond annuel des heures supplémentaires de 130 à 180 heures, en assouplissant encore leur taux de rémunération. Le gouvernement propose désormais que le contingent annuel d'heures supplémentaires soit porté à 220 heures, sans qu'il s'agisse là d'un plafond, car il renvoie la fixation du contingent d'heures supplémentaires à une prétendue négociation entre l'employeur et le salarié, comme si ce n'était pas toujours le patron qui imposait des heures supplémentaires à faire ou pas. C'est là une façon de supprimer toute réglementation de l'horaire de travail, sans même avoir besoin de supprimer la loi Aubry. Sans parler de la véritable escroquerie que signifie l'éventail des modalités de paiement -ou de non-paiement- ou de récupération en temps -mais quand?- des heures supplémentaires effectuées.

La loi de la socialiste Aubry a ouvert une brèche par laquelle les patrons, avec l'aide des gouvernements successifs, ne manquent pas de s'engouffrer. Et le Parti Socialiste se garde bien de promettre que, s'il revient au pouvoir, il annulera tous les "assouplissements" de Fillon et Raffarin.

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