Le textile et la fin du protectionnisme15/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le textile et la fin du protectionnisme

Les travailleurs des autres pays ne sont pas des concurrents mais des alliés

Patrons, gouvernants, économistes, presse et médias, tous ont tenu à faire part de "leurs inquiétudes" à l'approche de l'échéance du 1er janvier 2005, date à laquelle devraient prendre fin les limitations au libre commerce du textile, industrie qui rassemble 30 millions de salariés dans le monde. En effet à l'heure actuelle les exportations de cette branche, qui regroupe les tissus, l'habillement, étaient soumises à des quotas limitant leur entrée en particulier dans les pays riches. Cette échéance est l'occasion de ressortir une version à peine modernisée du prétendu "péril jaune". La Chine menacerait les entreprises des pays riches, et donc celles de France, patrons comme salariés, du moins selon les commentaires qui laissent entendre encore une fois que les uns et les autres auraient un intérêt commun.

C'est en 1973 qu'a été imposé par les grandes puissances industrielles l'Accord Multifibres, l'AMF, qui instituait des quotas d'exportations par pays dans tous les domaines de la production textile. Il s'agissait, disait-on déjà il y a plus de trente ans, de protéger les pays les plus riches "de la concurrence sauvage des pays pauvres". Ces limitations ont été reconduites régulièrement. Et ce n'est qu'en 1995 que l'Organisation Mondiale du Commerce, l'OMC, en a annoncé la fin... pour dix ans plus tard.

Mais si cette règle protectionniste, comme toujours dans ce cas, a servi de paravent à l'enrichissement des patrons, y compris avec les fonds d'État, elle n'a en aucune façon protégé les salariés du secteur, ni des licenciements, ni de l'exploitation intensive et des bas salaires. En France, en 1981 puis 1996, les gouvernements de droite comme de gauche ont fait bénéficier les patrons du textile et de l'habillement du "Plan textile", qui comportait toute une série de dégrèvements fiscaux et d'allégements de charges sociales, au prétexte de "la concurrence internationale", alors qu'existait une limitation drastique des importations. Les patrons encaissèrent les aides, qui firent grimper leurs bénéfices, et continuèrent à licencier sans entraves, se contentant de dire que cela aurait été pire sans cela.

Les capitalistes du secteur ont placé les profits tirés du travail de leurs salariés là où cela rapportait le plus, éventuellement dans d'autres branches ou dans des opérations spéculatives à la Bourse. À l'occasion, ils ont déplacé tout ou partie de leur production dans des pays à faible coût de main-d'oeuvre, en continuant à vendre au prix fort, sous le label de leur marque, en France et en Europe, comme Adidas ou Nike. Tout cela a permis aux actionnaires des firmes du textile d'encaisser des profits en forte hausse, pendant que leurs salariés devaient continuer à s'échiner au travail pour des salaires parmi les plus bas de l'industrie ou aller pointer au chômage.

Interrogé sur les mesures qu'il souhaitait, à l'occasion de cette ouverture totale du marché du textile, le porte-parole des patrons de cette branche en France, Guillaume Sarkozy, second du Medef et frère de celui qui rêve d'être président, a revendiqué... l'annulation totale de la taxe professionnelle, pour l'ensemble du patronat. Quel rapport? Aucun, si ce n'est l'occasion de se voir offrir par le gouvernement un allégement fiscal de 20 milliards d'euros par an. Au passage, cela mettrait les collectivités locales en faillite financière, mais ce n'est pas le souci des représentants du patronat.

Faire croire aux travailleurs, en France, que, même indirectement, les patrons de la branche textile pourraient être leurs alliés, et les travailleurs des autres pays leurs concurrents, si ce n'est leurs ennemis, est une vieille rengaine qui a servi depuis le début du capitalisme à obscurcir la conscience des travailleurs et à les détourner des vrais enjeux et des vrais combats. Mais ce qui est en jeu, aujourd'hui comme hier, c'est de remettre en cause la dictature du capital, qui voudrait amasser des fortunes sur le dos des travailleurs, ici comme à l'étranger.

Aujourd'hui, le patronat et le gouvernement répètent sans cesse que les travailleurs doivent consentir des sacrifices, à cause du faible niveau de salaires existant dans d'autres pays. Eh bien, le meilleur moyen de s'opposer à cette concurrence artificielle entre les ouvriers des différents pays serait de lutter ensemble pour imposer, ici comme ailleurs, par des luttes convergentes, des salaires décents. Et en retrouvant le sens de la solidarité de classe et de leurs intérêts communs, les centaines de millions de travailleurs de tous les pays, du textile, de la métallurgie, de la chimie et des autres catégories, pourraient constituer une force immense capable de changer vraiment le monde.

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