Le patronat français : Des riches, mais toujours le règne des "deux cents familles"15/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le patronat français : Des riches, mais toujours le règne des "deux cents familles"

En 1704, un dénommé Wendel acheta une forge en Moselle. Trois siècles plus tard, un de ses descendants, le dénommé Seillière, baron s'il vous plaît, non seulement dirige les affaires de la famille mais préside le Medef. Avant lui, son grand-père présidait dans les années 1930 le Comité des Forges, qui regroupait les grands patrons de l'époque et qui dictait sa loi au reste du patronat et aux dirigeants politiques, et l'imposait à toute la société.

Actuellement, pour le trois centième anniversaire de la fondation de cette dynastie bourgeoise, une campagne à sa gloire a lieu. De longs articles fleurissent dans la presse. Une exposition trouve place au musée d'Orsay de Paris. Un livre vient d'être écrit par un universitaire de renom. Bref, rien n'est trop beau pour honorer cette grande famille bourgeoise et son rejeton actuel.

L'exploitation de générations de travailleurs a créé la fortune de Wendel. Mais si les éloges ne s'attardent pas sur cet aspect, ils rappellent en revanche comment de telles dynasties capitalistes sont capables de mettre à profit les aléas des événements économiques et politiques. Ainsi, on nous rappelle que, suite à la division de la Lorraine du fait de la guerre franco-prussienne de 1870, les de Wendel surent opportunément diviser leur coeur patriotique en deux, et partagèrent leurs affaires en conséquence: un membre de la famille prenant en charge les intérêts du groupe de chaque côté de la frontière.

Quant aux nationalisations, les de Wendel en sortirent indemnes. Le groupe fut plusieurs fois nationalisé, sans dommage pour lui. Au contraire. Ainsi, en 1978, l'État épongea les milliards de dettes de la famille, comme celles des autres maîtres de forges de la sidérurgie.

Aujourd'hui, la fortune des descendants fait toujours bonne figure et se compte en milliards d'euros. Parmi les mille sept cents descendants du fondateur de 1704, près de la moitié participeraient encore à l'affaire familiale.

Cette dynastie n'est pas la seule. En France, ce type d'entreprises familiales représentent plus de la moitié des 250 plus grandes sociétés. Et rien d'étonnant à ce que tous ces gens soient adeptes de la devise: travail (d'abord celui des autres, qui les engraisse si bien), famille (ils y tiennent, puisque c'est elle qui leur permet de naître une cuillère d'argent dans la bouche), patrie (même à géométrie variable, en fonction des déplacements de frontières, elle permet de demander aux peuples de s'entre-tuer pour leur intérêts).

Mais l'histoire a montré que les dynasties pouvaient se renverser. Et celle des de Wendel, comme les autres d'ailleurs, a fait plus que son temps!

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