Italie : La " Réforme Moratti" contre l'école publique15/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : La " Réforme Moratti" contre l'école publique

La réforme Moratti, du nom de la ministre de l'Éducation du gouvernement Berlusconi, soulève depuis plusieurs mois le mécontentement des enseignants, comme celui des parents, et de bien des jeunes, mécontentement qui s'est exprimé par des journées de grève et de manifestations très suivies, comme celle du 15 novembre dernier.

Moratti n' a pas même cherché à masquer la couleur très réactionnaire de ses projets, affichant très ouvertement sa volonté de favoriser l'école privée. Son ministère de "ministère de l'Instruction publique" est devenu "ministère de l'Instruction" tout court. Elle a par ailleurs proposé d'accorder une prime aux parents envoyant leurs enfants dans les écoles privées, indépendamment de leurs revenus. Cette ministre, chrétienne, intégriste notoire, a proposé de rendre obligatoire l'enseignement de la religion catholique. Elle a proposé d'éliminer Darwin et la théorie de l'évolution de tous les programmes scolaires, du primaire au secondaire.

La réforme Moratti est une loi "cadre" qui fixe de grandes lignes pour l'école. Approuvée par le Parlement, elle se concrétise à travers divers décrets gouvernementaux qui sont en train de transformer l'école secteur par secteur. Les derniers portant sur le second cycle et la réforme des lycées doivent paraître d'ici mars 2005.

Cette réforme, à laquelle le gouvernement précédent, de centre gauche, avait bien préparé le terrain, aggrave considérablement les inégalités dans l'accès aux connaissances. Il est question en effet de réduire considérablement le temps scolaire, et donc de faire disparaître des matières du tronc commun. Les enfants des classes populaires qui n'ont pas d'autres moyens de se cultiver que l'école n'auront donc plus les mêmes possibilités que ceux des milieux plus aisés. La ministre de "l'Instruction" a résumé ses projets en matière d'éducation par la formule des trois "I", Inglese (Anglais), Informatica, et Impresa (Entreprise). Le prétendu effort sur l'apprentissage de l'anglais est d'ailleurs une supercherie, car les heures d'anglais ont diminué. Mais la ministre a des recettes simples comme celle-ci: "Si à la cantine les enfants ne demandent pas à manger en anglais, privez les du repas, et vous verrez comme ils apprendront facilement". Et pourquoi pas le martinet et la fessée?

Il est question également d'abandonner des projets de lutte contre l'échec scolaire et d'intégration des enfants handicapés. L'école était obligatoire jusqu'à 15 ans, l'âge sera désormais avancé à 14 ans. Les jeunes seront aussi orientés plus tôt, dès 13 ans ils devront choisir entre la filière lycée "classique" ou une formation professionnelle comprenant très peu d'heures d'enseignement général. Enfin les liens entre école et entreprise seront renforcés.

Mais évidemment, les critiques portent aussi et surtout sur la diminution des moyens alloués à l'école, car le véritable but de cette réforme est d'abord de faire des économies aux dépens de l'éducation de la jeunesse. À la mi-novembre, un amendement de la nouvelle loi de finances a prévu une amputation supplémentaire de 2% du budget alloué au personnel enseignant. Sur une période de trois ans, la réduction du nombre d'enseignants s'élèvera à 34400. Enfin, la précarisation du personnel enseignant comme du personnel technique et administratif ne fait que se renforcer.

On comprend mieux pourquoi enseignants, parents et élèves sont très remontés contre la réforme Moratti. Espérons que ce mécontentement s'exprimera de nouveau avec force dans la rue et la fera reculer, elle et le gouvernement Berlusconi.

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