Centres d'appel : Samedi, ça me dit pas... Et dimanche, ça te branche ?15/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Centres d'appel : Samedi, ça me dit pas... Et dimanche, ça te branche ?

Le gouvernement a fait plancher deux ministres, pas moins, pour arriver à un pas supplémentaire en matière de déréglementation du travail dans le secteur des centres d'appel.

En effet les entreprises obtiendront désormais l'autorisation de fonctionner le dimanche, en échange de l'engagement, en tout cas celui du ministre de l'Industrie, de créer 10000 emplois par an pendant trois ans et de respecter un "code de bonne conduite sociale". Ce sera le cas notamment pour le recrutement et les conditions de travail, renchérit le ministre de la Cohésion sociale. Et il s'agit avant tout, entonnent en choeur Patrick Devedjian et Jean-Louis Borloo, d'éviter les délocalisations auxquelles les entreprises seraient tentées de procéder si... le droit du travail n'était pas assoupli. Ce serait la faute, déclarait Devedjian, de la grande distribution qui ouvre ses portes le dimanche, et donc des clients qui ont besoin de communiquer sans délai pour comprendre le fonctionnement de leur toute dernière acquisition.

En France, les centres d'appel ce sont 210000 salariés répartis dans 3300 entreprises. Il s'agit essentiellement d'opérateurs de téléphonie, de fournisseurs d'accès à Internet, de sociétés informatiques. 20% du secteur est constitué par les banques et les assurances, et 14% seulement par la distribution. Les éventuels clients qui auraient sur-le-champ besoin d'une explication essentielle peuvent donc peut-être attendre le lundi... Quant à l'argument du coût d'implantation des centres d'appel, qui serait par exemple inférieur de 40% au Maroc par rapport à la France, il tombe sous le sens que le simple prix du terrain et de l'infrastructure, indépendamment des salaires moyens, peut faire la différence. Cependant un responsable des professionnels du secteur mentionnait en octobre dernier que l'"exportation" des centres d'appel restait très marginale, autour de 5% du marché. "Sur les 10000 emplois par an que le secteur créera encore ces prochaines années, 70% seront en France et 30% hors des frontières. Les transferts d'activités se feront avant tout à l'intérieur du territoire, notamment dans certaines régions victimes de désindustrialisation."

Sur le plan des conditions de travail, en revanche, les centres d'appel s'illustrent par les bas salaires, autour du smic horaire, la précarité et le stress. Les plannings de travail sont souvent remis à l'intéressé au dernier moment, par des responsables qui considèrent qu'ils doivent être disponibles du lundi 8 heures au samedi 22 heures. Les temps de pause sont souvent négligés, ainsi que le délai entre deux appels (temporisation) ou le traitement de dossier après appel. Les salariés se voient imposer des horaires adaptés à la clientèle prospectée, avec des coupures en pleine journée qui rallongent l'amplitude, auquel cas le temps rétribué est seulement le temps de travail effectif. Les locaux du style "cages à poules" et le flicage permanent des appels sont fréquents. Il suffit de mentionner que 300 conventions collectives différentes sont appliquées dans le secteur, dont celle des prestataires de services, pour avoir une image de la jungle des règlements et entorses qui règnent dans les centres d'appel. Une jungle à laquelle le gouvernement vient d'ajouter encore quelques lianes.

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