Philippines : Catastrophes naturelles et catastrophes sociales09/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1897.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Philippines : Catastrophes naturelles et catastrophes sociales

Les Philippines ont subi quatre tempêtes tropicales dans les deux dernières semaines. Il y aurait 1300 morts et 800000 sinistrés. Des pluies diluviennes ont entraîné la terre des collines et des troncs d'arbres débités et prêts à être expédiés.

Non seulement les arbres coupés ne retiennent plus la terre mais, en plus, ils servent de béliers et défoncent les maisons. Les dégâts les plus meurtriers se sont produits dans une région où l'exploitation de la forêt est interdite depuis trente ans, justement pour éviter ce genre de catastrophe prévisible.

L'actuel sous-secrétaire philippin à l'Environnement a mis l'abattage illégal au compte de la pauvreté, en ajoutant: "Tant que les gens y verront un moyen de payer leur prochain repas, les arbres n'auront pas une chance". Il y a en effet, aux Philippines et ailleurs, des ouvriers pour qui s'embaucher dans un chantier d'abattage est le seul moyen de manger. Reprocher la déforestation à ces travailleurs reviendrait à reprocher la pollution aux mineurs de fond, c'est-à-dire traiter en coupables les principales victimes.

Il y a certainement aussi des paysans qui abattent des arbres pour gagner des surfaces cultivables. Après tout, c'est comme cela que l'humanité s'est développée depuis des millénaires. Peut-on reprocher à un paysan sans terre de sacrifier des arbres, y compris des essences rares et protégées, pour essayer de nourrir sa famille?

Mais ce ne sont pas les petits paysans qui ont fait disparaître la moitié de la forêt philippine en cinquante ans, c'est l'exploitation industrielle, qu'elle soit légale ou illégale. L'ancien secrétaire d'État aux Ressources naturelles du gouvernement philippin accuse nommément cinq groupes financiers locaux d'organiser des coupes illégales et de faire du trafic de bois exotiques. Il accuse également les autorités politiques de couvrir ce trafic. Il est certain que l'on ne peut pas abattre et transporter des milliers de troncs sans que tout le monde soit au courant et sans la complicité des autorités.

Ce bois exotique, dont la France est le premier importateur, entre dans le circuit du commerce international et est acheté et revendu par des sociétés ayant pignon sur rue. Certaines qualités particulières de résistance ou d'imputrescibilité le font utiliser depuis très longtemps dans l'industrie. Il est évidemment employé pour les meubles et l'ornementation. La SNCF en consomme, les escaliers de la bibliothèque François-Mitterrand en sont recouverts, il est très à la mode dans les "maisons d'architecte" et les salons bourgeois en sont garnis.

À l'autre bout de la chaîne, aux Philippines et ailleurs, les arbres sont coupés pour un profit immédiat et rapide, celui des trafiquants locaux mais aussi et surtout celui des négociants occidentaux. La forêt est ainsi menacée de disparition et les travailleurs mêmes, exploités dans les chantiers forestiers, voient de plus leurs vies menacées à chaque tempête tropicale.

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