Bicentenaire : Napoléon, dictateur et massacreur09/12/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/12/une1897.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

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Bicentenaire : Napoléon, dictateur et massacreur

Le bicentenaire du sacre de Napoléon 1er, le 2 décembre 1804, a donné lieu à bien des articles ou des déclarations. Le plus souvent, il était présenté comme le créateur d'une France "moderne", celui qui l'a dotée d'institutions sur lesquelles l'État s'appuie toujours, et qui a "consacré les conquêtes révolutionnaires".

Si personne ne nie quand même que toute sa carrière fut celle d'un chef de guerre, cela ne traduirait pas, selon le socialiste Max Gallo, "une volonté d'expansion illimitée de l'Empire", mais ces guerres incessantes auraient été dictées par le fait que "Napoléon voulait faire accepter à l'Europe la France telle qu'elle était au sortir de la Révolution". À les lire, Napoléon aurait été d'abord le défenseur d'une France libérée des chaînes de l'Ancien Régime. Mais s'il défendait quelque chose, ce fut d'abord les nouveaux privilèges acquis par les possédants, contre les aspirations des classes pauvres qui avaient fait cette révolution.

Effectivement, la bourgeoisie française peut être reconnaissante à Napoléon pour les droits et les pouvoirs qu'il lui a reconnus, pour la création d'un État structuré, centralisé, disposant d'une police efficace pour réprimer les mécontentements, ainsi que pour ses guerres de conquêtes. Mais pour les peuples, Napoléon ne fut qu'un pilleur de richesses, un massacreur et un dictateur qui n'avait rien à envier aux tyrans de l'Ancien Régime.

Chacun vante le Code Civil de 1804 -qui sert toujours de base à la législation actuelle. Certes, en codifiant le droit de propriété bourgeois et en consacrant la fin des privilèges dont jouissaient avant 1789 la noblesse et le clergé, ce Code permettait aux classes possédantes de garder les biens qu'elles avaient acquis, avant ou pendant la Révolution. Mais en même temps, il scellait l'inégalité entre les patrons et les ouvriers. Le Code Civil donnait tous les droits aux patrons, qui pouvaient être crus sur parole s'il y avait litige avec leurs ouvriers. Ceux-ci étaient en outre, depuis 1803, obligés de posséder un "livret ouvrier" et il leur était interdit de se coaliser. La presse fut muselée, censurée, pendant que les pouvoirs de la police augmentaient pour mieux contrôler et réprimer toute opposition.

Outre qu'il fut un dictateur, Napoléon est avant tout resté dans l'Histoire comme un massacreur de peuples. Le peuple français en premier lieu, ces paysans qui ne pouvaient échapper à la conscription lui servirent de chair à canon dans toutes ses campagnes. Combien moururent sur les champs de bataille ou à la suite de blessures, de maladies? Les historiens avancent le chiffre de plus d'un million. Les victoires ont peut-être été gagnées grâce aux talents de stratège de Napoléon, mais surtout parce qu'il avait un mépris total de la vie humaine -ce qui l'amenait à faire lever toujours plus de troupes pour remplacer les soldats morts. Des ordres étaient donnés pour ne pas perdre du temps à soigner les blessés sur place, mais comme les chariots qui auraient pu les transporter étaient prioritairement réservés aux produits des pillages que l'empereur et ses proches voulaient ramener en France, ils étaient condamnés d'avance.

Quant aux autres peuples qui eurent à subir la violence des armées napoléoniennes, il est difficile de dire combien d'hommes parmi eux les payèrent de leur vie. Un seul exemple de ce que fut l'attitude du général Bonaparte donne une idée du comportement sur le champ de bataille de celui qui fut présenté comme le propagateur des idéaux de la Révolution française. Pendant une des campagnes de l'expédition d'Égypte, de 1798 à 1799, plus de 2500 soldats turcs se rendirent, lors du siège de Jaffa, sur la promesse d'avoir la vie sauve. Bonaparte estimant qu'il aurait été trop lourd et coûteux de s'en charger et de les nourrir, ils furent exécutés sur son ordre -fusillés, tués à l'arme blanche pour économiser les munitions ou jetés à la mer. Dans tous les pays d'Europe se répétèrent des scènes analogues, parfois contre les troupes adverses, souvent contre les peuples eux-mêmes. Le 3 mai 1808, le lendemain de la révolte contre l'occupant français à Madrid, la répression contre les insurgés fit au moins deux mille morts.

Pour les peuples des colonies françaises, Napoléon fut aussi celui qui rétablit l'esclavage, aboli par la République en 1794. En mai 1802, après la signature d'un traité avec l'Angleterre restituant la Martinique à la France, "l'esclavage ainsi que la traite des Noirs et leur importation dans lesdites colonies auront lieu conformément aux lois et règlements antérieurs à 1789". Début juin, il fit arrêter et déporter Toussaint Louverture, qui avait pris la tête de la révolte des esclaves noirs de Saint-Domingue onze ans plus tôt, et qui, s'appuyant sur les idéaux de la Révolution et confiant dans les hommes censés les représenter, avait rallié l'île à la France. Il devait mourir un an plus tard au Fort de Joux, dans le Jura. Quant aux armées napoléoniennes, elles provoquèrent bien des massacres lors de la deuxième révolte des esclaves de Saint-Domingue, avant que ceux-ci en sortent victorieux et créent la première République noire indépendante en janvier 1804.

Dictateur, fossoyeur de la révolution, conquérant sans scrupules, pilleur de richesses et assassin: voilà l'homme en qui une partie de la bourgeoisie française se reconnaît et qu'elle encense.

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