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Côte-d'Ivoire : Le 23 novembre à Paris
Le 23 novembre, Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste Révolutionnaire organisaient un rassemblement devant le ministère de la Défense à Paris, pour protester contre l'intervention des troupes françaises en Côte-d'Ivoire. Au cours de celui-ci, Arlette Laguiller a déclaré:
" Il n'y a que ceux qui ignorent tout de la vie des peuples de Côte-d'Ivoire et d'Afrique, ou ceux qui les méprisent, pour s'étonner de l'explosion populaire contre la présence française en Côte-d'Ivoire. Quelles qu'aient pu être les arrière-pensées de Gbagbo et de ses partisans en appelant à ces manifestations, s'il y a eu du répondant, c'est en raison de tout un passé lourd d'oppressions et de pillages, en raison aussi d'un présent où tout cela se perpétue.
Car, tout de même, l'armée française n'a pas débarqué ces jours-ci en Côte-d'Ivoire dans le but humanitaire de sauver les Français qui y vivent. Elle est là depuis la conquête coloniale. Elle a été l'instrument de la conquête elle-même et des massacres qui l'ont accompagnée. Elle a été le bras armé des décennies d'oppression coloniale, d'humiliations, avec les travaux forcés, des êtres humains traités comme des chiens. Elle n'a jamais quitté ce pays, même après la décolonisation.
L'impérialisme français, notre impérialisme à nous, continue à considérer ses anciennes colonies comme ses chasses gardées. Il a protégé ses dictateurs successifs, à commencer par Houphouët-Boigny, cet homme qu'on présentait ici, en France, comme un modèle de chef d'État, un "sage" de l'Afrique. Son régime était pourtant une dictature infâme, un régime de parti unique avec son cortège d'arrestations arbitraires, de tortures, d'assassinats.
Alors, quoi d'étonnant à ce que, dans les classes populaires de la Côte-d'Ivoire, la présence française soit liée à l'oppression? Quoi d'étonnant à ce que, parfois, la colère explose? La population ivoirienne ne peut tout de même pas embrasser la main qui, pendant si longtemps, a tenu le fouet, quand ce n'était pas la mitraille!
Alors, notre premier devoir ici, en France, c'est de s'élever contre la présence de l'armée française en Côte-d'Ivoire, et plus généralement en Afrique. C'est de s'élever contre la domination des capitaux français en Côte-d'Ivoire, car c'est cette domination que l'armée française protège.
L'armée française n'a rien à faire, ni en Côte-d'Ivoire, ni en Afrique, et elle doit se retirer immédiatement.
Lors de sa récente intervention, l'armée française a tiré sur des femmes, des hommes et des enfants désarmés, aussi bien autour de l'aéroport d'Abidjan qu'autour de l'hôtel Ivoire. Contrairement à la présentation tendancieuse qu'en a fait la presse, il s'agit d'une tuerie, il n'y a pas d'autre mot.
Mais l'impérialisme français a fait et fait jour après jour bien d'autres victimes que celles qui sont tombées sous les balles de ses soldats. Parce qu'il a une responsabilité dans la pauvreté de l'écrasante majorité de la population de Côte-d'Ivoire. Les grands groupes français ont tiré des richesses de ce pays. Un certain nombre de privilégiés, Français, Libanais ou Ivoiriens, ont bénéficié des retombées du pillage du pays pour faire fortune. Le miracle ivoirien dont on parlait à l'époque n'en était un que pour une minorité. Mais les classes populaires continuent à survivre jour après jour dans une misère effroyable. Et il n'y a rien d'étonnant à ce que les villas et les boutiques de luxe des quartiers résidentiels apparaissent comme une provocation pour ceux qui s'entassent dans les quartiers populaires.
C'est tout cela que nous tenons à dénoncer. Mais ce n'est pas pour autant que nous sommes du côté du gouvernement Gbagbo.
C'est un régime dictatorial, comme ses prédécesseurs, où on mène la chasse à l'opposition et qui laisse les mains libres à l'armée et aux milices pro-gouvernementales pour racketter la population et pour se livrer à des violences ethnistes contre les travailleurs et les paysans immigrés du Mali ou du Burkina, ou contre ceux venant du nord du pays. Cette démagogie est une infection aux conséquences catastrophiques surtout pour les plus pauvres de la population; pour ceux qui vivent, mélangés, côte à côte dans les quartiers populaires d'Abidjan ou dans des villages où les ethnies coexistaient bien longtemps avant que des politiciens démagogues les opposent les unes aux autres. Mais l'armée française ne s'oppose pas aux violences ethniques: par sa présence, elle les cautionne et, par là même, elle les facilite.
Notre solidarité ne va pas plus à Gbagbo qu'aux dirigeants des sécessionnistes du Nord; pas plus à Ouattara, qui a la bassesse de remercier Chirac et son armée. Les uns comme les autres n'aspirent en dernier ressort qu'à être reconnus comme serviteurs de l'impérialisme français contre leur propre peuple.
Nous sommes solidaires de nos soeurs et de nos frères des classes laborieuses de Côte-d'Ivoire, quelle que soit leur ethnie, quelle que soit leur origine! Alors, exploiteurs et armée française, hors de Côte-d'Ivoire, hors d'Afrique!"