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Leur société
Amiante : Des milliers de morts, des patrons protégés et... bénéficiaires
Jeudi 25 novembre à Dunkerque plusieurs centaines de personnes étaient réunies pour protester contre la décision de la cour d'appel de Douai qui a arrêté les poursuites à l'encontre des entreprises, en particulier de chantiers navals ou de la sidérurgie comme Arcelor, où d'anciens salariés sont décédés ou malades, contaminés par l'amiante. Ce même jour 800 personnes défilaient à Belfort, toujours à propos de la contamination des salariés par l'amiante à l'usine Alstom de la ville.
Le scandale de l'amiante continue plus que jamais en France.
On estime qu'il y aurait entre deux et trois mille morts par an dans le pays des suites des contaminations par l'amiante, conséquence de la politique des employeurs couverts activement par les pouvoirs publics des dizaines d'années durant. On prévoit près de 100000 morts en France d'ici 2025. Les dangers de l'amiante sont connus depuis 1906 et la contamination par celle-ci est reconnue officiellement comme maladie professionnelle depuis 1945. Mais si son utilisation a été interdite sur le papier dans la construction depuis 1977, dans les faits, les industriels ont pu l'utiliser jusqu'en 1996-1997 avec la complicité des pouvoirs publics au travers du Comité amiante. Ce comité, chargé en théorie d'en surveiller et d'en réglementer éventuellement l'application, était en réalité un organisme de lobbying mis en place par la profession, qui réunissait sous la houlette des producteurs et des industriels qui utilisaient l'amiante, les pouvoirs publics et même les représentants des confédérations syndicales. Il fit tout pour s'opposer aux restrictions de l'utilisation de l'amiante et pour limiter les contraintes de protection des salariés, qui pourtant existaient déjà dans d'autres pays.
Il a fallu attendre que ce scandale éclate, grâce à la dénonciation et aux actions juridiques engagées par des associations comme l'Association des victimes de l'amiante, l'Andeva, pour qu'enfin, en conformité avec les recommandations du Bureau International du Travail, le gouvernement Juppé promulgue l'interdiction totale de l'utilisation de l'amiante.
Restait le problème de l'indemnisation des dizaines de milliers de victimes, des salariés pour une grande part, et celui des poursuites engagées ou à venir contre les coupables de cette contamination de masse.
Les employeurs non seulement protégés par le gouvernement...
Comme souvent, il est revenu à la gauche, de retour au gouvernement en 1997, d'effectuer "le sale boulot", celui d'assurer la protection des employeurs face aux dangers que cette situation créait. Car l'émotion était forte. Un peu partout, on voyait des militants, des travailleurs, dans les entreprises et les régions créer des comités locaux de défense, entamant des actions, y compris judiciaires, contre des employeurs qui avaient délibérément mis en danger la vie de leurs salariés.
Le gouvernement créa donc un fonds d'indemnisation des victimes, qui certes a apporté une compensation très partielle à certaines victimes, mais dont la finalité était d'abord de protéger les employeurs coupables, non seulement de toute poursuite mais également de toute contribution financière en rapport avec le préjudice dont ils étaient responsables. Ce fonds, mutualisé au niveau du pays, permettait de protéger les employeurs des procès en responsabilité, qui commençaient à se multiplier et qui pouvaient aboutir à des indemnisations autrement plus importantes, un peu comme cela s'est passé dans d'autres pays.
En 2000, le gouvernement Jospin a fait un pas de plus en mettant au point une loi qui exemptait les notables et les industriels, quoi qu'ils aient fait, de toute poursuite, du moment que leurs actions, même criminelles, ne comportaient pas le "but intentionnel" de porter atteinte aux victimes.
C'est en s'appuyant sur cette loi que la cour d'appel de Douai a rejeté la plainte déposée par les veuves des travailleurs de Dunkerque.
...mais indemnisés pour licencier leur personnel
Parmi les dispositions prises dans la dernière période, l'une a permis aux salariés déclarés victimes de contamination par l'amiante au travail de partir de façon anticipée en préretraite, en fonction du nombre d'années où ils ont subi cette contamination.
C'était la moindre des choses. Mais ce système a servi à protéger les caisses des patrons coupables. En effet, les patrons qui reconnaissent avoir fait subir à leurs salariés une contamination par l'amiante n'ont rien à payer pour le financement de la préretraite à laquelle ont droit leurs salariés, alors que pour une préretraite normale ils doivent au moins contribuer partiellement au niveau financier. Dans ce cas, ils ne doivent rien du tout! Inutile de dire que nombre d'employeurs, et parmi les plus grands, ont largement utilisé ce moyen, sans aucun complexe, du moment que cela ne leur coûtait rien.
Le scandale des morts de l'amiante se traduit d'une part par l'immunité des patrons responsables, d'autre part par une exonération des indemnisations en faveur des malades et des morts qu'ils ont provoqués.