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Dans le monde
Irak : Effacer sa dette... pour l’endetter à nouveau!
En prologue à la conférence internationale sur l'Irak, les grands argentiers du Club de Paris s'étaient retrouvés pour discuter de l'annulation de la dette du pays. Ce club réunit la plupart des États industrialisés, qui détiennent un gros tiers de la dette irakienne, soit 42 milliards de dollars pour un total d'environ 120-125 milliards. Sur ces 42 milliards la moitié sont des intérêts dus depuis 1990. Les créanciers du Club de Paris ont décidé d'effacer 80% de la totalité.
Cette méthode est communément employée pour relancer des pays du Tiers Monde d'autant plus endettés que les banquiers impérialistes leur ont déjà fait payer plusieurs fois en intérêts le montant du capital emprunté. Une différence cependant: la dette irakienne n'a produit aucun intérêt depuis la mise du pays au ban des nations en 1990.
Initialement, la France et l'Allemagne, qui font partie de ce club doré, ne voulaient pas effacer plus de 50% de la dette, tandis que les États-Unis souhaitaient 90 ou 95%. Paris et Berlin se sont donc laissé convaincre. Le secrétaire d'État américain au Trésor John Snow a invité les autres créanciers de l'Irak (principalement l'Arabie Saoudite, le Koweït et les Émirats qui détiennent pas loin du deux tiers des créances, mais aussi la Russie, la Bulgarie et la Roumanie) à en faire autant. La Russie vient d'accepter.
Il y a longtemps que les États-Unis ont appris qu'après une guerre, pour faire repartir les affaires à son avantage, il vaut mieux passer l'éponge sur les dettes du vaincu. C'est d'autant plus souhaitable quand la majorité des créanciers ne sont pas américains. Car sur les 20 milliards prêtés par le Club de Paris, la part américaine ne représentait que 10%!
Rappelons aussi que l'argent emprunté par le régime de Saddam Hussein, avec la bénédiction des États-Unis et des grands États européens pendant de longues années, n'a pas bénéficié à la population irakienne, mais surtout aux grandes entreprises américaines et européennes qui ont équipé l'Irak en armements, en équipements nucléaires, ou en usines chimiques à destinations civile et militaire, quand les grandes puissances opposaient l'Irak de Saddam à l'Iran des ayatollahs.
Maintenant que cette page est tournée, les États-Unis proposent à ceux qui ont financé l'essentiel de cette politique d'effacer leurs créances, ce qui assainira les finances du nouveau régime irakien et permettra de lui prêter de nouveau en assurant aux grandes entreprises américaines l'essentiel des bénéfices de la reconstruction. Ce qui est évidemment plus prometteur qu'une dette qui de toute façon ne rapporte plus depuis quatorze ans!