Pierre VARENNE18/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1894.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Pierre VARENNE

Notre camarade Pierre Varenne nous a quittés, le 10 novembre dernier. Il avait 69 ans.

Pierre, "Pierrot" ou pour nous "Dupré", nous l'avions connu chez Renault en 1958, et nous ne pourrions pas raconter les 46 années qui ont suivi de sa vie de militant ouvrier. Il était d'une famille ouvrière et il avait commencé sa vie de travail au centre d'apprentissage de la Régie nationale des usines Renault à Boulogne-Billancourt. Il était entré chez Renault "en culottes courtes", comme il disait. Au sortir du centre d'apprentissage, il alla directement à l'usine, au département 37, l'atelier d'outillages des Presses, comme ouvrier professionnel fraiseur. Ce département était situé dans l'île Seguin, à la pointe aval, un atelier qui, comme tous les autres bâtiments de l'île Seguin, est en train d'être détruit.

Pour Pierrot, en 1956, ce fut le départ pour le service militaire, en pleine guerre d'Algérie, et il y resta deux ans, entre le Maroc et la Tunisie. Il nous a souvent parlé de ses deux années là-bas. Au département 37, avant son départ à l'armée, il avait été contacté et convaincu de nos idées par les camarades de l'époque. C'est donc tout naturellement qu'à son retour, en 1958, il participa au bulletin Voix Ouvrière du 37, bulletin qui avait démarré en son absence. Il faut dire que Pierrot "avait le coup", dans un petit écho, pour aligner le comportement de la direction et de certains petits chefaillons, et il faisait mouche très souvent.

Bien sûr, Pierrot a participé avec nous à tous les mouvements de grève chez Renault, en mai 68 entre autres, qui fut la grève de sa génération. D'ailleurs, pendant l'occupation de l'usine, il fut en butte non seulement à la direction mais aussi à la hargne de certains syndicalistes CGT qui faisaient la chasse aux gauchistes.

Ce combat pour une autre société, Pierrot le mena toute sa vie. Les mots qu'il avait en horreur, c'était hiérarchie, honneurs, promotions. D'ailleurs, si l'on voulait un exemple de discrimination, Pierrot en était un. Il se battait pour autre chose que la promotion. Il se battait avec nous pour une société où les rapports entre les gens ne soient plus basés sur l'argent et la force.

À son départ en préretraite en 1991, Pierrot a continué à militer avec nous, à s'intéresser à la politique, à l'actualité sociale. Il avait des attaches en Lorraine et, en retraite, il est allé y vivre un moment, participant aux combats locaux et généraux avec nos camarades du secteur.

Pierrot était un personnage, un "caractère", qui avait décidé de brûler ses cartouches à sa façon, toujours prêt à blaguer, avec un humour bien à lui. La maladie, ce feu qui couvait sous la cendre, l'a emporté rapidement mais, jusqu'à la fin, il a tenu le coup avec dignité, sans laisser paraître sa souffrance.

Nous garderons le souvenir d'un camarade, d'un militant ouvrier, aimant la vie et fidèle parmi les fidèles. Salut Pierrot, le combat continue !

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