Ouverture du capital d'Areva : Vers la privatisation du nucléaire18/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1894.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Ouverture du capital d'Areva : Vers la privatisation du nucléaire

Sarkozy, ministre de l'Économie et des Finances, vient d'annoncer l'ouverture du capital d'Areva, à hauteur de 35% à 40%. Areva est le principal groupe à l'échelle mondiale pour l'ensemble de la "logistique" nucléaire: mines d'uranium, fabrication de centrales, traitement des déchets, etc.

Il emploie 70000 salariés dans le monde et a réalisé l'an dernier 389 millions d'euros de bénéfices, en progression de 62%. Il est détenu pour le moment, directement ou indirectement, à 96% par l'État, qui espère trois à quatre milliards d'euros de recettes de cette opération d'ouverture du capital.

Le nucléaire ayant un bel avenir devant lui, que ce soit pour la constructions des futures centrales EPR "de la troisième génération" ou pour le démantèlement des anciennes lorsqu'elles seront touchées par la limite d'âge, ce domaine aiguise donc les appétits du secteur privé.

Une privatisation de plus, dira-t-on. Mais ce n'est pas tout à fait pareil. Pour la première fois, l'État commence à privatiser le nucléaire, un secteur sensible et dangereux s'il en est.

Sarkozy a toutefois juré ses grands dieux que "l'État continuera en tout état de cause à détenir, directement ou indirectement, plus de la moitié du capital d'Areva, compte tenu du caractère stratégique de l'énergie nucléaire pour la France".

C'est ce qu'il prétend aujourd'hui. Mais qu'en sera-t-il dans quelques années? Rappelons que la même promesse avait été faite pour France Télécom, majoritairement privatisée actuellement.

Et pendant qu'on ouvre le capital d'Areva, à un bout de la chaîne, on s'apprête à en faire autant pour EDF, dont le courant électrique est issu à 85% du nucléaire.

Bref, à terme c'est l'ensemble du nucléaire qui risque d'être entre les mains du secteur privé, comme il l'est déjà dans nombre de pays étrangers. Cela n'a rien de rassurant. Et cela d'autant moins lorsqu'on connaît la manière dont les centrales nucléaires françaises sont actuellement entretenues par des entreprises privées, sous le contrôle d'EDF.

Depuis quinze-vingt ans, le personnel qui assure la maintenance, l'entretien et les réparations des centrales atomiques est devenu essentiellement du personnel non EDF, à hauteur de 80-85% environ. Les tâches sont sous-traitées par EDF à des centaines d'entreprises qui emploient 20000 à 30000 travailleurs, parfois baptisés les "nomades du nucléaire" car ils se déplacent de centrale en centrale, au fur et à mesure des travaux à effectuer. Parfois ils en sont réduits à loger dans des campings, mais cela est encore le moindre des inconvénients de leur situation. Le pire est qu'ils sont parfois entraînés à dépasser les doses radioactives limites qu'ils peuvent absorber. Or ces doses sont cumulatives. Lorsqu'on a atteint son quota annuel, ou mensuel, il faut en principe ne plus mettre les pieds dans un environnement radioactif... ce qui veut dire pour certains risquer de se retrouver au chômage. Et il y a malheureusement des travailleurs qui en arrivent à dissimuler les doses qu'ils ont supportées, pour pouvoir continuer à travailler, quitte à risquer des cancers ou autres affections à l'avenir.

Et ce système, où une multitude de patrons privés exploitent les travailleurs du nucléaire au mépris de leur santé, s'effectue sous le contrôle théorique d'EDF -c'est-à-dire de l'État- qui ferme les yeux devant le scandale.

Qu'en sera-t-il quand Areva et EDF seront privatisés? Ce sera probablement pire, d'autant plus que le vieillissement des centrales nucléaires françaises entraînera de plus en plus de travaux, ainsi que leur démantèlement lorsque le moment sera venu.

Il devrait être du rôle de l'État de veiller à la sécurité du personnel, comme de la population dans son ensemble.

Mais le rôle de l'État, on le voit, se limite de plus en plus à faire des cadeaux au secteur privé.

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