La polémique sur la loi de 1905 : Quand Chirac et Raffarin se déguisent en champions de la laïcité18/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1894.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

La polémique sur la loi de 1905 : Quand Chirac et Raffarin se déguisent en champions de la laïcité

Entre Sarkozy, sur le départ du gouvernement, et ceux qui restent, Raffarin, Borloo, Douste-Blazy et les autres, sans oublier Chirac, une polémique s'est engagée à propos de la loi de1905 établissant "la séparation des Églises et de l'État" que Sarkozy propose d'amender.

Il faut, a déclaré ce dernier dans une interview au Figaro, "adapter une loi vieille d'un siècle et votée alors qu'il n'y avait pas de musulmans en France". L'objectif de Sarkozy est de permettre aux pouvoirs publics de financer la construction de lieux de cultes... et pas seulement musulmans d'ailleurs. Face à cette proposition, les ministres ont poussé des tollés. Au congrès du Parti Radical, qui s'est tenu le 14 novembre à Saint-Etienne, Raffarin a parlé de la loi comme un "élément de stabilité de notre République" expliquant que "la laïcité est la grammaire de notre vivre ensemble". La veille, au même congrès, Douste-Blazy, ministre de la Santé, invoquait les "frontières intangibles entre l'État et les Églises". Quant à Chirac, en visite à Marseille, il déclarait que cette loi de 1905 représentait un "élément essentiel de notre cohésion nationale" et qu'il n'était pas question de toucher à cette "colonne du temple" avant de conclure: "Nous avons vécu des guerres épouvantables dans le passé et, en 1905, la sagesse de certains hommes a permis de terminer la guerre"...

C'est une bien curieuse façon de réécrire l'histoire, car la loi de 1905 marqua au contraire le point culminant des affrontements entre la République et une Église catholique qui en était alors un adversaire déclaré. Les inventaires des biens d'église, prévus par la loi, donnèrent lieu à de vifs affrontements, et le gouvernement finit d'ailleurs, sans changer la loi, par y renoncer de fait dès 1906.

Ce ne fut que la première, mais pas la dernière remise en cause de fait de cette loi.

D'autant que neuf ans après son vote, la République bourgeoise et l'Église catholique achevèrent de se réconcilier à l'occasion de la Première Guerre mondiale. L'Église avait fini par admettre qu'il lui fallait accepter le régime républicain, et au moment où éclata la Première Guerre mondiale la bourgeoisie française avait besoin que l'Église de France mette son influence au service non pas de la paix, mais de l'union sacrée, en affirmant que dieu était avec les Alliés.

La République ne fut pas ingrate. Quand en 1918 la France récupéra l'Alsace-Lorraine, la loi de 1905 n'y fut pas appliquée, et l'État accepta d'y salarier les prêtres catholiques, et pour faire bonne mesure les pasteurs et les rabbins.

Quant à l'école laïque, qui se donnait entre autres buts celui de faire échapper la jeunesse à l'influence d'une Église hostile à la République, elle n'a cessé depuis cinquante ans de voir une partie des crédits dont elle aurait besoin pour fonctionner passer aux établissements confessionnels, à travers les lois Barangé (1951) et Debré (1959).

Alors, quand Chirac et Raffarin présentent aujourd'hui la loi de 1905 comme une "colonne du temple" , ils se moquent du monde. Leur seule divergence avec Sarkozy concerne la question de savoir qui sera le "pape" de la majorité.

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