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Leur société
Polynésie : Le droit de choisir son gouvernement
La tentative, appuyée sinon pilotée par le gouvernement français et Chirac, de remettre en cause le vote de la majorité de la population de Polynésie du printemps dernier, qui avait porté à la présidence du territoire l'indépendantiste Oscar Temaru, est peut-être en voie de capoter, grâce à la mobilisation de cette même population.
Depuis des semaines une grande partie de la population de la Polynésie française est mobilisée pour s'opposer à la tentative de destitution d'Oscar Temaru, sorti vainqueur des dernières élections du 23 mai 2004. Cette victoire mettait fin au règne quasi continu depuis vingt ans de Gaston Flosse, aujourd'hui affilié à l'UMP, mais plus fondamentalement porte-parole attitré des intérêts coloniaux de la métropole française. L'opposition à ce régime donna naissance pour les dernières élections à une coalition, l'UPLD, autour de la formation indépendantiste d'Oscar Temaru. Elle recueillit 55% des voix, contre 45% aux forces politiques alliées à Gaston Flosse.
Ni Flosse ni le gouvernement n'acceptèrent cette victoire des indépendantistes, même si les pouvoirs qui leur étaient ainsi octroyés, au travers des institutions locales, étaient bien limités. Le gouvernement ne voulait manifestement pas perdre si peu que ce soit le contrôle sur cette colonie, qui est un des derniers restes de l'empire colonial français, et qui a encore pour l'État français une importance stratégique dans le Pacifique. Même si les essais nucléaires ont pris fin, depuis quelques années, en Polynésie, celle-ci constitue toujours une base militaire qui permet à l'impérialisme français d'avoir un pied dans cette région du monde. Pour écarter le nouvel exécutif, ses adversaires s'employèrent à soudoyer des élus, préparant une sorte de coup d'État institutionnel visant à renverser Temaru. C'est ce qui fut fait le 9 octobre à l'aide d'une "motion de censure" votée grâce à la défection d'un membre de la liste de Temaru.
Mais ni les indépendantistes ni la population n'acceptèrent d'entériner ce que le gouvernement appelait benoîtement ici "le jeu normal des institutions".
Le 16 octobre entre vingt et trente mille manifestants, soit 10% de l'ensemble de la population de l'archipel, défilèrent à Papeete, capitale du territoire, en exigeant la tenue de nouvelles élections.
Les dirigeants indépendantistes n'ont pas cédé la place aux hommes de Gaston Flosse. Ils ont occupé la présidence et d'autres bâtiments officiels, avec suffisamment de soutien dans la population pour que les forces de police ne songent pas à les en déloger. Et mercredi 3novembre, un syndicat indépendantiste lançait parallèlement un appel à la grève générale illimitée à partir du lundi 7novembre pour obtenir du patronat local les augmentations de salaires revendiquées. Ce contexte de mobilisation n'est certainement pas étranger au changement d'attitude du gouvernement. Les 3 et 4novembre, on a assisté à un retournement de Chirac et de son gouvernement. La délégation indépendantiste présente à Paris, snobée jusque-là, a été d'un coup invitée à rencontrer le porte-parole de Chirac, le président de l'Assemblée nationale et la ministre de tutelle. Et le gouvernement envisage dorénavant ce qu'il refusait catégoriquement jusqu'ici, la dissolution de l'actuelle assemblée et l'organisation de nouvelles élections.
Il reste à vérifier la réalité de ce recul et la confirmation de la tenue de nouvelles élections. On peut encore assister à bien des volte-face, le gouvernement ayant déclaré qu'il attendait pour arrêter sa décision finale l'arrêt du Conseil d'État, concernant l'invalidation des dernières élections générales du 23 mai dernier. Mais quelles que soient les péripéties à venir, les travailleurs ne peuvent être que solidaires de la population polynésienne qui revendique le droit de choisir librement les élus qu'elle souhaite avoir.