Le chaos en Côte d'Ivoire a des racines hexagonales10/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1893.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

Le chaos en Côte d'Ivoire a des racines hexagonales

La Côte d'Ivoire est encore un peu plus près du chaos. Le 6 novembre l'aviation du président Gbagbo, après des raids aériens sur des villes du nord tenues par des rebelles ayant fait 11 morts, a bombardé un camp militaire français, tuant neuf soldats (et un civil américain), en blessant vingt-deux autres. En représailles Chirac a fait détruire l'ensemble des forces aériennes ivoiriennes c'est-à-dire au total deux avions et cinq hélicoptères de combat... À l'annonce de cette nouvelle, de violentes émeutes antifrançaises ont éclaté dans la capitale Abidjan. Des résidences de Français, mais aussi des opposants au régime en place, ont été pillées, des écoles brûlées. Les ripostes de l'armée de Chirac auraient aussi fait plusieurs morts parmi les émeutiers.

C'est une nouvelle étape d'un pourrissement qui dure depuis des années. Pourtant la Côte d'Ivoire est longtemps apparue comme un des pays les plus prospères des anciennes colonies françaises. Une des plus précieuses, au sens propre du terme, pour les anciens colonisateurs. Des trusts français comme Bolloré ont réalisé d'énormes profits sur des produits comme le cacao (dont la Côte d'Ivoire était première productrice mondiale) ou le café. Bien d'autres ont confortablement profité, comme le constructeur Bouygues, le pétrolier TotalFinaElf, France Telecom et des centaines d'entreprises hexagonales exploitant directement des dizaines de milliers de travailleurs ivoiriens.

Mais si les soins des capitalistes ont permis de faire participer cette ex-colonie à la prospérité de la bourgeoisie française, ils n'ont pas pour autant développé une économie un tant soit peu solide en Côte d'Ivoire. À partir des années 1980, alors que les cours des matières premières s'effondraient, l'économie ivoirienne a commencé à couler.

Sur le terreau d'une misère croissante les dirigeants ivoiriens se sont lancés dans la culture d'une écoeurante démagogie raciste. Pour contenir et utiliser la colère des plus pauvres, la classe politique a cherché à dresser les exploités du sud du pays, majoritairement chrétiens, contre les populations originaires du nord du pays, réputées musulmanes. Ils ont inventé "l'ivoirité", une idéologie censée défendre les "vrais Ivoiriens" contre les "étrangers". Une absurdité d'autant plus grande que sur le continent africain les frontières ont été taillées en fonction des intérêts diplomatiques des colonisateurs, et renferment ou séparent les peuples de façon aléatoire... Mais ces fantasmes nationalistes ont eu des effets bien réels, et dramatiques. L'ethnisme a empoisonné les esprits, aboutissant à de véritables pogroms contre les Burkinabés et autres "étrangers". À la fin 2002, une rébellion prétendant défendre les populations du nord a coupé la Côte d'Ivoire en deux. La guerre n'a pas réellement cessé depuis.

Avec ses 5000 soldats et son armement lourd, l'État français prétend aujourd'hui, avec Raffarin, "militer pour la paix" et "éviter une guerre civile" provoquée par des politiciens inconscients.

Évidemment, l'impérialisme français se passerait bien de cette guerre qui perturbe ses affaires. C'est vrai aussi que les camps en présence en Côte d'Ivoire menant la politique du pire, cela embarrasse l'ancienne puissance coloniale. Mais l'État français prenant la pose du pacificateur, c'est une farce sinistre. Car les déportations de populations pour se procurer de la main d'oeuvre dans les plantations, cela provient de l'ancien État colonial. Comme le fait de jouer sur les différences ethniques pour asseoir son pouvoir. Et le pourrissement de la société ivoirienne par le sous-développement dû au pillage et à l'exploitation, c'est encore bien le fait de l'impérialisme français.

La ministre française de la Défense Alliot-Marie peut donc déclarer qu'elle tient le président ivoirien pour "personnellement responsable du maintien de l'ordre public à Abidjan": aussi criminelle que soit la politique de Gbagbo (qui est d'ailleurs un produit de la classe politique française), les responsabilités de l'impérialisme français dans les causes profondes de la décomposition de la Côte d'Ivoire sont autrement plus grandes.

Éditorial des bulletins d'entreprises l'Étincelle de la minorité du 8 novembre 2004

Convergences Révolutionnaires n° 35 (septembre-octobre 2004) - bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Défendre les services publics ? Pourquoi ? Comment ?
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