Chili : Le président socialiste est satisfait du chef des armées10/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1893.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Chili : Le président socialiste est satisfait du chef des armées

Dans un document intitulé Armée du Chili: la fin d'une vision, le général Cheyre, actuel chef des armées du pays, admet qu'entre 1973 et 1990, sous la dictature de Pinochet, il y eut des "faits punissables et moralement inacceptables" et affirme que "l'armée chilienne a pris la dure mais irréversible décision d'assumer les responsabilités qui lui incombent". Jusqu'à présent elle ne reconnaissait que des "erreurs".

Dans le même temps doit être rendu public un rapport d'une Commission nationale sur la détention politique et la torture, qui relève près de 35000 cas de torture et dresse une véritable carte des centres où elle s'exerçait en précisant les noms des unités, des commissariats, de camps de prisonniers et des bateaux impliqués.

Pinochet, âgé aujourd'hui de 89 ans, qui avait encore réussi il y a deux ans à esquiver à un procès sous prétexte de "démence légère à modérée" -il faut dire que les juges n'ont pas été regardants- a vu son immunité levée en août dernier par la Cour suprême du Chili. Un juge devrait décider prochainement s'il y a lieu d'ouvrir un procès contre lui, suite à "l'Opération Condor" inspirée par les États-Unis et mise en place dans les années 1970 et 1980, conjointement par les dictatures du Chili, d'Argentine et d'Uruguay, pour éliminer les opposants politiques des trois pays.

Jusqu'à présent les tortionnaires de la dictature de Pinochet, tout comme d'ailleurs leurs homologues français qui ont sévi pendant la guerre d'Algérie, ont joui d'une large impunité. Au Chili, une loi d'amnistie au bénéfice de l'armée avait été décidée par la dictature elle-même en 1978. On n'est jamais mieux servi que par soi-même! Dix ans après la fin du règne de Pinochet, en juin 2000, une "table de dialogue" avait pour tâche d'établir la vérité sur le sort des disparus pendant la dictature... sans remettre en cause la loi d'amnistie de 1978. L'armée accepta tout au plus de rassembler elle-même toutes les informations en sa possession. Moins de 300 militaires furent inculpés et une douzaine condamnés en première instance.

Rien ne dit que demain les familles des victimes de la dictature seront cette fois entendues dans leurs demandes d'enquête, mais l'actuel président socialiste, Ricardo Lagos, s'est empressé d'applaudir les déclarations du général Cheyre, y voyant un "pas historique". C'est la première fois que le chef des armées chiliennes fait acte, timidement, de repentir. En revanche les flatteries et les faveurs accordées aux militaires sont constantes. En 1973, un autre président, socialiste lui aussi, Salvador Allende, s'était félicité de l'attachement de l'armée à l'ordre démocratique quelques jours avant le coup d'État de Pinochet qu'il avait nommé commandant en chef, trois semaines avant que ce dernier n'écrase le mouvement populaire et renverse du même coup son régime. Pinochet, huit ans après le retour d'un gouvernement civil, était resté commandant de l'armée jusqu'à sa retraite légale. Qu'aujourd'hui l'armée chilienne se contente d'admettre du bout des lèvres que, sous son règne, il y a eu des actes moralement innacceptables, ça n'est pas rassurant pour l'avenir. Le passé le prouve.

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