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- Lutte ouvrière n°1892
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États-Unis : Démocrates et Républicains... au service d'une seule classe possédante
Aux États-Unis, si les Partis Démocrate et Républicain représentent fondamentalement la même politique au service de la bourgeoisie, ils n'en ont pas moins, traditionnellement, des clientèles électorales distinctes. Ainsi, à l'occasion de l'élection présidentielle, les médias ont souligné comment le Parti Républicain trouvait des appuis dans les milieux conservateurs, religieux voire intégristes, et attire les voix des milieux les plus réactionnaires, adversaires de l'avortement ou homophobes, et des habitants des États les plus ruraux. En revanche, les Démocrates séduiraient plutôt les ouvriers syndiqués, la population des grandes villes des côtes Est et Ouest, ainsi que les minorités, Noirs ou Hispaniques.
Évidemment, ce partage n'est pas absolu. Et surtout, il n'a pas toujours été tel. Les deux partis n'ont pas toujours attiré à eux leurs électeurs actuels. Longtemps, par exemple, les Noirs ont voté pour les Républicains, parce qu'Abraham Lincoln, qui remporta l'élection de 1860 et qui fut vainqueur de la guerre civile qui suivit et mit fin à l'esclavage, était républicain.
Deux vieux partis bourgeois
Le Parti Démocrate fut créé en 1844 et le Parti Républicain en 1854, au terme d'un processus de mise en place de partis politiques commencé en 1824, avec l'extension du suffrage universel masculin dans les différents États. Le Parti Démocrate était alors celui des grands propriétaires des États du Sud, partisans de l'esclavage, ainsi que de la minorité catholique des grandes villes du Nord, tandis que le Parti Républicain était celui des industriels du Nord et du Middle West, anti-esclavagistes. Cette opposition sur la question de l'esclavage, qui recouvrait les ambitions des industriels du Nord et la nécessité pour eux de disposer de salariés exploitables, allait déboucher sur la guerre de Sécession (1861-1865). La victoire du Nord ouvrit la voie au développement économique qui allait faire des États-Unis la principale puissance impérialiste mondiale. Parallèlement, le Parti Républicain domina la vie politique jusqu'aux années 1920-1930.
Ce fut la grande crise de 1929 qui ramena les Démocrates sur le devant de la scène avec la victoire de Franklin D. Roosevelt, réélu quatre fois à partir de 1932! Son administration coïncida avec l'intervention accrue de l'État dans l'économie, devenue indispensable pour restaurer le fonctionnement du système capitaliste, puis pour faire la guerre.
Seules les luttes des ouvriers et des Noirs ont amené des réformes
En réponse à la vague de grèves ouvrières engendrée par l'appauvrissement rapide généré par la crise, Roosevelt fit des concessions aux appareils syndicaux et introduisit des réformes comme un minimum de protection sociale pour les malades et les retraités, des systèmes insuffisants mais toujours en place aujourd'hui. Cette politique, imposée par les circonstances mais certainement pas par la volonté politique des Démocrates, allait néanmoins leur valoir un soutien électoral constant du mouvement syndical et d'une partie de la classe ouvrière, y compris de sa composante noire. La place croissante des Noirs dans la vie américaine, renforcée par la guerre, allait engendrer le combat contre la ségrégation raciale et pour le droit de vote dans les États du Sud, et renforça encore le "vote noir" en faveur des Démocrates.
Cela dit, le Parti Démocrate n'a même pas été un parti réformiste au sens où le furent autrefois les partis socialistes ou communistes en Europe. S'il fit, à certains moments, des concessions aux organisations syndicales, ou aux minorités, ce fut d'abord pour désamorcer leur combativité et empêcher une éventuelle radicalisation. Plus récemment, ni Carter ni Clinton n'ont mené la moindre réforme sociale. Clinton avait promis une véritable Sécurité sociale. Non seulement cette promesse n'a pas été tenue, mais il a continué, comme les Républicains Reagan et Bush père, à rogner le peu de protection sociale existante.
En politique extérieure, les Démocrates ne valent pas mieux. Roosevelt enferma dans des camps de concentration les Américains d'origine japonaise. Truman lança la bombe atomique contre des civils japonais et s'enlisa dans la guerre de Corée. Kennedy tenta d'envahir Cuba et démarra la guerre du Viêt-nam, poursuivie par Johnson. Carter soutint des dictateurs comme Marcos (Philippines) ou Pol Pot (Cambodge). Quant à Clinton, il lança lui-même des attaques contre l'Irak, avec l'embargo et plusieurs bombardements meurtriers, qu'il justifiait par la fable des "armes de destruction massive", reprise ensuite par Bush.
Ainsi, les deux partis mènent une politique semblable, dictée par les intérêts fondamentaux de la grande bourgeoisie américaine, tout au plus nuancée par le besoin de faire quelques concessions à des clientèles électorales différentes. S'ils veulent s'exprimer par le vote, les travailleurs américains sont réduits, notamment par la politique de leurs organisations syndicales, à apporter leur soutien à l'un des deux grands partis bourgeois, sans trop pouvoir croire qu'en retour celui-ci se montrera un peu sensible à leurs intérêts. Et tout le système politique américain vise à empêcher l'émergence d'un parti défendant vraiment les intérêts politiques de la classe ouvrière aux États-Unis.