Élections américaines : "Enjeu planétaire" ou bourrage de crâne ?03/11/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/11/une1892.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Élections américaines : "Enjeu planétaire" ou bourrage de crâne ?

Au lendemain des élections américaines, il semblait probable que Bush soit élu comme nouveau président des États-Unis, même s'il était possible que, comme lors de l'élection précédente, en 2000, les bulletins de vote soient encore comptés et recomptés et que le résultat donne lieu à contestation dans les jours à venir.

Cette élection a été présentée comme une "élection historique" et, pour certains journaux, son enjeu serait "planétaire". Mais peut-on imaginer que la bourgeoisie américaine, la plus puissante du monde, que les grands groupes industriels et financiers qui dominent le pays et finalement le monde entier jouent l'avenir politique sur un coup de dé électoral? En réalité, une multitude de filtres existent, pour présélectionner les candidats et ne laisser concourir, le jour J, que ceux qui conviennent aux grands possédants, qui détiennent la réalité du pouvoir. Le filtre des appareils des deux grands partis, le Parti républicain et le Parti démocrate, le filtre des grandes chaînes de télévision et des grands groupes de presse, c'est-à-dire de leurs propriétaires. Le filtre surtout de l'argent. Le prix de la campagne est à la mesure de l'immensité du pays et, avant que les bulletins de vote tranchent entre les concurrents, ce sont les chèques des donateurs qui décident qui a le droit de concourir.

Le suspense de cette course ne portait que sur le nom du cheval, mais pas sur celui des propriétaires. Bush ou Kerry, la politique menée ne pouvait être que celle exigée par les grands groupes industriels et financiers qui, là-bas comme ici, dominent l'économie et la société.

Mais il fallait faire croire aux électeurs américains que leur destin était entre leurs mains et que la politique de leur pays dépendait de leurs bulletins de vote. C'est à cela que s'emploient la télévision et les journaux, là-bas surtout et, par ricochet, même ici, en dramatisant les conséquences du choix des électeurs. Pourtant les deux candidats ont tenu pratiquement le même langage sur la sécurité de l'Amérique, sur le combat contre le terrorisme, et chacun a promis que son élection assurerait à tous une vie meilleure. Même si, sur la présence américaine en Irak, Kerry s'est voulu critique, il s'est bien gardé de promettre le retrait des troupes américaines. Restait le choix: les mouvements de menton ou la couleur des cravates?

Mais est-ce bien différent ici, où on nous dit que la politique menée dépend de l'homme qui sera installé à l'Elysée? Et, à chaque fois, on refait l'expérience que, lorsque les hommes changent au sommet, seuls les mots utilisés changent, et encore pas toujours, mais pas la politique.

Bush ou Kerry, quel que soit le vainqueur, cela ne pouvait changer la politique impérialiste des États-Unis à l'extérieur. C'est certes Bush, le républicain, qui a décidé l'invasion de l'Irak, mais la guerre du Vietnam a été menée aussi bien par le démocrate Johnson que par le républicain Nixon. Et à prendre la longue liste des interventions, directes ou indirectes, des États-Unis, de l'Amérique latine au Vietnam, de Saint-Domingue au Chili, qui pourrait dire si le président était républicain ou démocrate?

Le nom du président ne changera rien non plus au fait qu'à l'intérieur de ce pays, pourtant le plus riche du monde, des millions de personnes vivent dans la pauvreté et que tomber malade peut être une catastrophe pour une famille d'ouvriers. Bush a favorisé sans honte les plus riches en diminuant leurs impôts pendant qu'il privait un peu plus encore les pauvres d'accès aux soins. Mais le démocrate Clinton, qui l'a précédé, en a fait autant.

Au moins sur un point, les commentateurs ont raison: ce qui se passe aux USA nous concerne. Les États-Unis représentent ce que la société capitaliste à de mieux à offrir à l'humanité. Mais ce mieux, c'est, sur le plan économique, une immense concentration de richesses entre quelques mains et la pauvreté pour beaucoup. Sur le plan politique, c'est cette démocratie où les électeurs ont le droit de voter pour qui ils veulent car, de toute façon, ils ne peuvent voter que pour un représentant des riches!

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 2 novembre 2004

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