Loi "Perben 2" : Aux bons soins de la police07/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1888.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Loi "Perben 2" : Aux bons soins de la police

Le 1er octobre, la loi dite "Perben 2" est entrée en application. Sous prétexte de renforcer les moyens de lutte contre la grande criminalité et le crime organisé, elle accorde nettement plus de pouvoir à la police, à l'égard de tous les justiciables.

Lorsque la police invoque, à tort ou à raison, des infractions en "bande organisée", le délai de garde à vue passe de 48heures à 96heures (y compris pour les mineurs de moins de 16 ans), ce qui en fait une des durées les plus longues d'Europe. Le gardé à vue ne pourra s'entretenir avec un avocat qu'au bout de 48heures, ou même de 72heures.

La loi autorise désormais la pose de micros et de caméras vidéos dans des lieux privés. En fait, elle légalise et généralise une pratique que la police et les pouvoirs politiques n'hésitaient pas à utiliser.

Autre légalisation: la rétribution des "indics". Les policiers pourront infiltrer légalement des groupes dits "criminels" et procéder à des perquisitions de nuit, même en l'absence de la personne soupçonnée ou de ses proches.

La police a applaudi à l'annonce de ces mesures, prétendant qu'elles lui donneront les moyens d'effectuer des enquêtes plus efficaces. Dans certains cas c'est possible, mais il faut craindre qu'en donnant à la police des moyens exorbitants, ce ne soit pas la justice qui en profite, mais l'arbitraire. Et ces nouveaux pouvoirs de police pourraient être détournés et utilisés, par exemple, contre le monde du travail.

Cette notion de "bandes organisées" est par exemple suffisamment floue pour désigner des "organisations structurées" d'au moins trois personnes agissant avec préméditation. Cette définition permettrait fort bien de qualifier ainsi des travailleurs licenciés occupant leur entreprise et séquestrant le chef d'entreprise pendant quelques heures, rendant possible l'intervention de la police, sans même que la justice ait le moindre droit d'intervenir. Il est vrai que bien souvent, dans de tels cas, on a vu plus souvent la justice pencher du côté des patrons que du côté des travailleurs.

Autre nouvelle mesure de la loi Perben, l'introduction du plaider-coupable, qui concerne les délits passibles de 5 ans de prison au plus. Le prévenu, s'il reconnaît les faits, pourra plaider coupable et aurait ainsi la possibilité de voir sa peine réduite d'au moins la moitié de celle encourue. Le gouvernement a présenté cette mesure comme un moyen de désengorger les tribunaux, en remplaçant l'enquête, la procédure et le procès par une audience d'homologation présidée par un juge.

Mais des syndicats de magistrats dénoncent cette mesure et appellent à son boycott. La présidente du Syndicat de la magistrature y voit "le danger évident que l'on extorque l'approbation des prévenus. Je pense, dit-elle, notamment aux nombreux faits de rébellion ou d'outrage." Le président de chambre correctionnelle au tribunal de grande instance de Paris estime que "ce sera une pression supplémentaire lors de la garde à vue, alors qu'il serait temps de se débarrasser de cette religion de l'aveu, qui est source de presque toutes les catastrophes judiciaires". À l'inverse, ce système pourrait être nettement avantageux pour les patrons poursuivis pour abus de biens sociaux ou infractions au code du travail par exemple. Une négociation bien menée dans le secret du bureau du procureur éviterait la publicité d'un procès et le secret permettrait d'étouffer bien des affaires.

Au final, Perben donne des pouvoirs de plus en plus discrétionnaires à la police et aux procureurs. L'expérience a maintes fois prouvé que la protection et les droits des citoyens n'y gagnaient jamais.

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