Espagne : Les travailleurs des chantiers navals en lutte07/10/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/10/une1888.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Espagne : Les travailleurs des chantiers navals en lutte

Depuis deux mois, dans toute l'Espagne, les travailleurs des chantiers navals multiplient les grèves, les blocages de rues. Les manifestations se radicalisent pour s'opposer au plan du gouvernement socialiste qui prévoit la privatisation d'une partie des chantiers; une privatisation qui se traduirait par des suppressions de postes de travail, voire la fermeture de chantiers.

Le gouvernement socialiste n'a pas mis longtemps pour oublier ses promesses. Pendant la campagne électorale, Zapatero s'était clairement engagé à ne pas appliquer le projet de restructuration et à maintenir les emplois. La gauche, et notamment les socialistes, avait apporté son soutien aux travailleurs. Les têtes de listes du PSOE (Parti Socialiste) ou de Izquierda Unida (Gauche Unie, une coalition autour du Parti Communiste Espagnol) avaient multiplié les meetings dans les chantiers navals, promettant qu'aucun poste de travail ne serait supprimé s'ils gagnaient les élections.

Aujourd'hui, le ton a changé: l'heure est à la restructuration!

Le premier argument du gouvernement est classique: la concurrence des chantiers navals d'Asie impose de réduire les coûts et donc de céder au privé tout le secteur qui n'est pas lié à la construction de bateaux pour la marine espagnole.

Le second argument consiste à dire que le gouvernement de droite d'Aznar, en subventionnant les chantiers, avait accumulé les aides déclarées illégales par la Commission européenne. Le gouvernement demande donc le remboursement de cette aide, évaluée à 1,1milliard d'euros, à la direction de l'entreprise publique Izar. Constituée en 2000 par le gouvernement Aznar et mise sous contrôle d'un organisme financier gouvernemental, la SEPI, Izar réunit tous les chantiers navals.

Ces arguments sont aussi hypocrites l'un que l'autre. En Espagne, comme dans toute l'Europe, l'État s'est endetté avant tout pour multiplier aides directes et indirectes aux patrons. Et tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ans, qu'ils soient socialistes ou de droite, ont mené cette même politique.

Le gouvernement socialiste continue d'ailleurs à donner aux entreprises des facilités pour licencier les travailleurs, favoriser les embauches en contrats précaires, retarder les paiements de cotisations sociales, voire les exonérer de taxes. Bref, il distribue les cadeaux aux entreprises, comme le faisait le gouvernement précédent, mais il dit ne rien pouvoir faire pour les travailleurs des chantiers. Oubliées ses promesses, précisément parce que les licenciements et fermetures de chantiers annoncés sont destinés à rendre cette opération de privatisation plus alléchante pour les capitalistes!

Il n'est pas dit cependant que le gouvernement ne soit pas amené à reculer. Certes, le nombre de travailleurs des chantiers a été considérablement réduit par la "reconversion industrielle" des années quatre-vingt, menée par le gouvernement socialiste de Felipe Gonzalez, qui lui aussi avait renié ses promesses. Cependant il reste dans la "navale" un noyau de 10000 ouvriers, auxquels il faut ajouter des milliers d'intérimaires et tous ceux qui travaillent en sous-traitance, ou dans des industries annexes. Dans leurs récentes actions et manifestations, ils ont été parfois rejoints par d'autres entreprises en lutte, comme c'est le cas à Séville pour les cigarettes Altadis.

À Cadix, Puerto Real, Séville en Andalousie, à Gijon dans les Asturies, à El Ferrol en Galice, à Bilbao, les traditions de lutte sont anciennes et les affrontements avec la police sont souvent assez violents, comme on a pu le voir récemment sur le pont de Carranza qui a été le siège d'une sévère bataille, isolant la ville de Cadix, ou à Sestao (près de Bilbao).

Les socialistes craignent des réactions de plus en plus résolues des travailleurs des chantiers.

La semaine passée, la SEPI a annoncé qu'elle suspendait le plan de privatisation. Elle a proposé aux syndicats, qui ont accepté, d'aller à Bruxelles pour négocier les remboursements des aides que la Commission européenne juge illégales.

Les travailleurs des chantiers réussiront-ils à tenir tête au gouvernement, à imposer le maintien des emplois et de meilleurs salaires, comme ils le revendiquent en même temps? C'est en tout cas de la lutte de ces travailleurs que dépend l'avenir de milliers de familles.

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