Des cadeaux fiscaux pour les nantis, les prélèvements pour les autres23/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1886.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Des cadeaux fiscaux pour les nantis, les prélèvements pour les autres

Sur TF1 dimanche soir 19 septembre, Raffarin, patelin, se voulait rassurant, d'abord pour lui-même, estimant qu'il resterait à la tête du gouvernement. Pour les autres, il propose un "contrat France 2005": baisse du chômage, école, lutte contre la vie chère.

La promesse de baisser le chômage, dans la bouche d'un Premier ministre sous le gouvernement duquel le chômage s'aggrave et les plans de licenciements se multiplient, tient de la provocation.

"Contre la vie chère", Raffarin promet, sans rire, des mesures aussi radicales que de prier les grandes surfaces qui, lors du passage à l'euro, ont arrondi leurs prix vers le haut, d'arrondir leurs prix vers le bas. Les grandes surfaces feront évidemment ce qu'elles veulent mais il est plus facile de promettre des baisses de prix que des augmentations de salaires que les intéressés pourraient prendre au sérieux.

Et il faut du culot pour parler de "mobilisation pour l'école" alors même que des postes d'enseignants sont supprimés.

Le Premier ministre se posait en défenseur de l'intérêt général. Mais ses mesures fiscales montrent que ledit intérêt général pour lui, c'est l'intérêt de la fraction la mieux lotie de la population.

En relevant de 10000 à 15000 euros le plafond des dépenses ouvrant droit à une réduction de 50% pour les employés de maison, il fait un cadeau fiscal de 2500 euros annuels de plus aux familles les plus aisées. C'est comme si le budget de l'État prenait en charge près de la moitié du salaire de la bonne, du jardinier ou du chauffeur de maître qui travaille pour une famille de cadres ou de bourgeois. Et le syndicat des impôts dénonce à juste titre, avec des arguments chiffrés à l'appui, des situations où une famille aisée avec des enfants, grâce à cette déduction supplémentaire, ne paiera plus d'impôts sur le revenu, alors que son employé s'il est célibataire, payé au Smic, y sera assujetti.

Oui, comme l'ont dit certains dirigeants socialistes, c'est bien une mesure de classe. Mais rappelons que la déduction pour les employés de maison est une invention, de 1992, de la ministre socialiste Martine Aubry. La droite n'avait plus qu'à augmenter le montant du cadeau!

Et ces mesures fiscales s'ajoutent à d'autres, prises au cours du dernier mois, comme la diminution des impôts sur l'héritage.

La "politique sociale" du gouvernement ne vise pas les moins favorisés et encore moins ceux tombés dans la pauvreté, souvent à cause du chômage mais parfois même en disposant d'un travail. Elle vise en priorité ces "classes moyennes" qui constituent la majorité de son électorat. Et non seulement ces cadeaux fiscaux ne vont pas à ceux qui en ont vraiment besoin, mais c'est à eux qu'on va en faire payer le prix.

Car c'est pour compenser tous ces cadeaux électoraux consentis aux familles aisées et plus encore aux plus riches, sous la forme de subventions et d'allégement de charges sur les bénéfices, qu'on fait des économies sur tout ce qui peut concerner les classes populaires. Des économies sur des dépenses de santé, des économies sur les écoles et sur les bureaux de poste considérés non rentables que l'on ferme.

Au même moment, le gouvernement a publié, en application d'un aspect de la "réforme" des retraites passé à l'époque inaperçu, un décret aboutissant à diminuer substantiellement les pensions de réversion de centaines de milliers de veuves et veufs. Même si Douste-Blazy s'est engagé à revoir sa copie devant les protestations, rien ne dit que le texte définitif sera beaucoup plus favorable.

Alors oui, ce gouvernement mène ouvertement une politique de classe. Des cadeaux pour les possédants et des prélèvements supplémentaires pour les classes populaires. Mais les gouvernements socialistes ont mené une politique similaire et ce n'est pas le fait qu'ils l'aient menée avec hypocrisie qui la rend meilleure.

Les étiquettes des gouvernements changent, mais ils restent au service des privilégiés et des puissants. C'est seulement lorsque les travailleurs, les exploités, les pauvres, en ont assez et qu'ils explosent au point d'intimider les possédants, que les gouvernements commencent à se préoccuper un peu de "l'intérêt général".

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 20 septembre 2004

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