Délocalisations : Fiction et réalité16/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1885.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Délocalisations : Fiction et réalité

Bien des salariés, quand ils ont un emploi, craignent ce qu'on appelle les "délocalisations". Cela, que leur direction ait annoncé ou pas un projet en ce sens. Leur angoisse, c'est celle de perdre leur emploi quand trois millions de travailleurs sont déjà au chômage, et qu'il ne se passe guère de semaine sans qu'on annonce, ici, une fermeture d'usine, là, des "restructurations", dont personne n'ignore qu'elles sont le nouveau nom pour "suppressions d'emplois".

Et puis, dans nombre d'entreprises, la direction ne se prive pas de faire courir des rumeurs, par le biais de l'encadrement, du genre: "Vous savez, en Pologne, ils font le même boulot pour cinq fois moins...", ailleurs ce sera la Chine ou le Bangladesh. Même sans délocaliser, c'est-à-dire, au sens strict, fermer une entreprise et transférer sa production à l'étranger, les patrons s'appuient sur cette crainte de perdre son emploi pour obtenir, y compris par le chantage comme à Bosch Vénissieux, un allongement des horaires, donc une baisse des salaires réels, la suppression de certains avantages, etc. Car c'est par tous les moyens que les patrons cherchent à augmenter leur exploitation, à réduire les effectifs, ce qu'ils appellent le coût du travail, bref licencient pour augmenter leurs profits.

De Sarkozy à Fabius, toute une partie de la classe politique s'est maintenant emparée du thème des délocalisations, sachant qu'aux yeux de la population laborieuse il s'associe à l'angoisse de perdre son emploi. Mais, bien sûr, ces dirigeants politiques agitent ce thème en cherchant à faire passer à la trappe ce qui est le problème essentiel pour les travailleurs: les licenciements et comment y faire face.

Du coup, alors que les délocalisations en tant que telles ne sont, bien souvent, qu'un des nouveaux prétextes que le patronat a trouvés pour accentuer son offensive contre la classe ouvrière, il n'est plus question que... de la concurrence industrielle à laquelle se livreraient le Nord et le Sud, ou encore, à en croire Sarkozy, du "dumping fiscal" que pratiqueraient les pays d'Europe de l'Est, qu'il accuse d'attirer les entreprises en les faisant fuir l'Europe occidentale.

Pour Sarkozy et ses pareils, c'est une façon de détourner l'attention sans s'en prendre aux véritables responsables de l'accroissement du chômage, de la précarité, de la baisse du niveau de vie de l'ensemble des travailleurs et des chômeurs.

Les Raffarin, Sarkozy et autres Fabius savent fort bien que les délocalisations, en tant que telles, n'ont finalement qu'un rôle marginal dans cette situation due à la course à la réduction des coûts patronaux dont elles ne sont qu'un aspect.

Ainsi, par exemple, la très officielle Direction des relations économiques extérieures estime que "les délocalisations représentent moins de 5% des investissements" productifs de la France à l'étranger. Un rapport du Sénat, rédigé par un élu de droite, constate que "contrairement aux affirmations les plus courantes, il n'existe pas de mouvement de délocalisations massives de nos industries de main-d'oeuvre". Même constat de la part de l'EMCC, un observatoire économique qui dépend de l'Union européenne. Depuis deux ans, il a recensé 1460 entreprises responsables de 770000 suppressions d'emplois, essentiellement en Europe de l'Ouest: seuls 4,8% d'entre elles sont liées à des délocalisations.

4 à 5% dus aux délocalisations, cela veut dire que dans au moins 95% des cas les capitalistes se passent de ce prétexte pour licencier. Les discours de Sarkozy, Fabius et autres au sujet des délocalisations oublient une réalité: le fait qu'au moins les trois quarts des suppressions d'emplois, selon le rapport du Sénat, sont dus à des "restructurations". Autrement dit à la guerre sociale que le monde patronal mène aux travailleurs depuis des années.

Face à cela, l'ennemi que les travailleurs ont à affronter pour préserver leur emploi, pour défendre leur avenir et celui de leur famille, ne se trouve pas à des milliers de kilomètres, comme certains voudraient nous le faire croire. Il est ici, à portée d'atteinte. C'est le grand patronat, ce sont ces conseils d'administration qui prennent leurs décisions en fonction de leurs seuls critères de profit et au mépris des conséquences qu'elles impliquent pour la vie de centaines et de milliers d'hommes et de femmes, parfois de toute une ville, voire d'une région. C'est ceux-là que les travailleurs devront faire reculer s'ils ne veulent pas être plongés par eux dans une misère croissante.

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