Darfour (Soudan) : La population victime de son gouvernement et des grandes puissances02/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1883.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Darfour (Soudan) : La population victime de son gouvernement et des grandes puissances

Depuis février 2003, la guerre fait rage au Darfour, une région de l'ouest du Soudan, en lutte contre le pouvoir central de Khartoum. Sous la pression internationale, le gouvernement soudanais a accepté de discuter avec les représentants des rebelles; mais il ne veut faire aucune concession et entend bien s'imposer par la force sur le terrain.

C'est en effet ce gouvernement qui soutient, arme et appuie l'action des milices dites "janjawids" qui ravagent la région; en dix-huit mois, les affrontements ont fait des dizaines de milliers de morts et plus d'un million de réfugiés dont 200000 au Tchad voisin. Leur situation est dramatique: ils souffrent de malnutrition. En outre, la saison des pluies retarde les convois de vivres; après une épidémie d'hépatite, on redoute l'arrivée du choléra; quant à ceux qui errent sur les routes, ils sont en butte aux exactions des milices et des autorités soudanaises qui veulent les obliger à retourner dans leurs villages dévastés.

Le gouvernement organise les affrontements "ethniques"

Le Darfour regroupe des populations différentes: des tribus pastorales "arabes", bien que l'arabe ne soit la langue maternelle que d'une minorité, et des agriculteurs noirs. Les conflits ne sont pas nouveaux entre les éleveurs recherchant l'eau et les pâturages et les paysans protégeant leurs récoltes. Ils se réglaient plus ou moins à l'amiable mais ils se sont accrus avec la sécheresse, l'explosion démographique et l'abandon total dans lequel le gouvernement laisse la région.

Des mouvements rebelles ont regroupé les tribus "africaines", pour s'opposer à la fois aux exactions des milices janjawids, qu'ils appellent aussi "les arabes", et à l'armée soudanaise qu'ils accusaient de se concerter pour accomplir un nettoyage ethnique.

Pour tenter d'en finir, Khartoum a décidé de jouer ouvertement sur les rivalités ethniques: son aviation bombarde les villages dont les milices arabes achèvent la destruction en pillant, en violant et en assassinant la population civile.

L'ONU a envisagé la présence de forces d'interposition; elle a évoqué des sanctions contre Khartoum si, au 2 septembre, le gouvernement soudanais n'avait pas désarmé les milices janjawids; l'Union Africaine a proposé l'envoi de deux mille soldats pour désarmer les milices en question, proposition refusée par le gouvernement soudanais.

Des grandes puissances très intéressées

Les grandes puissances parlent "d'humanitaire"; le gouvernement français fait état de son "aide" aux réfugiés par l'intermédiaire de ses troupes stationnées au Tchad; le ministre britannique des Affaires étrangères, Jack Straw, est venu dans un camp de réfugiés soudanais pour montrer à quel point l'opinion britannique et internationale était inquiète.

En réalité, ces pays qui, comme la France, ont ruiné l'Afrique pendant -et après- la période coloniale, n'ont rien à faire du sort des populations. Elles entretiennent des troupes sur place pour veiller à leurs intérêts et surveiller les concurrents, comme les États-Unis par exemple.

Depuis quelque temps, les USA sont en effet beaucoup plus présents militairement sur ce continent. Ils ont effectué une pression maximum pour que le gouvernement soudanais mette fin à la guerre précédente qui l'opposait aux rebelles du Sud. Sans que tout soit réglé, le gouvernement a accepté un certain partage des postes et des ressources -pétrolières en l'occurrence- avec les mouvements rebelles. Et il n'a sûrement pas envie de réitérer cet accord au Darfour, même s'il s'agit d'une région essentiellement agricole.

Au Soudan méridional, les puits de pétrole ont pesé lourd dans cette volonté "internationale" de restaurer l'ordre et le calme dans la région. Mais du Congo à l'Afrique du Sud, de l'Angola au Nigeria, le pays regorge de richesses minières et pétrolières dont les voies d'accès doivent être "sécurisées". En 2003, après l'intervention de Washington lors d'une tentative de coup d'État à Sao Tomé e Principe, les compagnies pétrolières, américaines pour l'essentiel, ont acquis les droits d'exploration du Golfe de Guinée; il est question maintenant d'un projet d'oléoduc Tchad-Soudan. Voilà de quoi être sur le qui-vive, quand on défend le pré carré de ses trusts, comme le fait le gouvernement français.

Pour les puissances impérialistes, tout cela compte infiniment plus que les centaines de milliers de morts, de blessés ou de réfugiés qui victimes de la sous-alimentation et de la maladie dans des camps surpeuplés.

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