40 heures payées 35, nouvelle rage patronale02/09/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/09/une1883.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Tribune de la minorité

40 heures payées 35, nouvelle rage patronale

S'il existe une Europe ? Assurément. Celle du pot commun des sales coups contre les travailleurs. Parallèlement aux offensives sur les retraites, la santé, l'indemnisation du chômage, voilà la campagne européenne pour l'allongement du temps de travail sur fond d'un chantage plus éhonté que jamais, à la délocalisation et au licenciement. Évidemment sans augmentation des rémunérations, d'où une baisse générale des salaires, la surexploitation et pas d'embauches.

L'attaque

De quelle rive du Rhin est partie l'idée? En juin dernier, tandis que Siemens obtenait en Rhénanie du Nord, dans deux sites de fabrication de téléphones portables, la signature de l'IG Metall pour un passage de 35 à 40 heures sans compensation salariale, soit une baisse de 12,5% du salaire horaire, Bosch Vénissieux sur les rives du Rhône et Motorola sur celles de la Garonne, obtenaient l'accord de syndicats sur une scélératesse similaire. Et le ping-pong de continuer. Daimler-Chrysler obtenait à la fin juillet du Comité d'entreprise contrôlé par l'IG Metall, un "accord" contenant d'importantes concessions. Puis Ronzat en Champagne, Sediver dans le Centre, Doux en Bretagne, de petites entreprises mais qui sont filiales de plus grosses. La balle ensuite à Volkswagen. Sans omettre le patronat de Belgique qui s'entiche aussi de l'allongement du temps de travail sans compensation salariale.

Revenir sur les 35 heures, c'est le clou sur lequel le Medef confirme qu'il va frapper. De fait, Seillière voudrait obtenir du gouvernement l'annulation de toute contrainte légale. Les lois Aubry ont offert aux patrons l'énorme avantage d'obliger les syndicats à négocier (douce violence!) des concessions entreprise par entreprise, avec un rapport de forces donc défavorable aux travailleurs. Les conventions collectives ont été un peu plus torpillées. Maintenant, ils envisagent de se passer des syndicats, entre autres en s'adressant aux travailleurs par referendum, comme chez Bosch à Vénissieux, pour leur laisser le choix: "oui" tu restes, "non" tu dégages!

Il y aurait matière à un sursaut général. Ceux qui engageraient le fer contre cette politique ne seraient pas mal vus de l'opinion. Mais ni les partis de gauche ni les directions syndicales n'envisagent de s'y hasarder. Au mieux, elles protestent. C'est l'attitude de la CGT, qui certes ne s'est pas illustrée comme la CFDT par l'adhésion à des accords pourris, mais pas non plus par des perspectives claires de mobilisation générale. Cette semaine, tous les leaders syndicaux ont accepté l'invitation ministérielle à "discuter de l'assouplissement des 35 heures". Pour s'y exprimer de quelle façon? Pour se montrer sensibles aux prétendues difficultés de la bourgeoisie française, dont pourtant les profits ne cessent d'augmenter? Ou pour affirmer qu'ils feront tout pour que la classe ouvrière engage la lutte qui lui permettra de reprendre ce que le patronat lui a volé depuis près de 30 ans? Derrière des poses protestataires, cette complicité des hautes sphères syndicales avec le patronat et le gouvernement pèse lourd dans l'écoeurement ouvrier. Mais dans les entreprises, les unions locales, les régions, les militants syndicaux et les travailleurs non résignés doivent demander des comptes et intervenir pour que voix ouvrière se fasse entendre, et craindre.

Car cette voix et ce camp existent. En France comme en Allemagne où les manifestations du lundi ont démarré contre la politique de Schröder et des patrons. Au grand dam des directions syndicales qui ne les avaient pas mises au programme, et n'y appellent au mieux que localement, avec moult mises en garde contre d'hypothétiques menées d'extrême droite. Au grand dam aussi, évidemment, de Schröder et ses amis du SPD. Malgré cela, la mobilisation se développe. Même si elle reste encore limitée à la partie Est du pays, elle fait impression par son obstination et son enracinement. La population de dizaines de villes est dans le coup, dont des petites villes de 5000 habitants dont les 10% sont le lundi dans la rue. Certes, ce n'est pas gagné et les travailleurs d'Allemagne ont comme partout à déjouer les calculs de politiciens, de gauche ou de droite, qui ne les soutiennent que pour préserver ou gagner des positions à de prochaines élections. Mais par ces manifestations qui devraient connaître un point fort le 2 octobre à Berlin, la classe ouvrière se rappelle au bon souvenir de pas mal d'ennemis. En France, patrons et gouvernement mériteraient qu'un tel mouvement démarre. Pourquoi pas?

La diversion

Chirac n'ignore pas le danger, et ne manque pas de saisir les opportunités pour faire diversion à sa politique anti-ouvrière. Et de lever haut l'étendard de "l'unité nationale" pour la libération des deux journalistes pris en otages. Avec comme sous-produit, d'amener à manger dans sa main l'UDF, mais aussi le PS, le PC et quelques autres. C'est dans la même perspective de diversion que Chirac a lancé son projet d'un référendum sur la constitution européenne. Il n'aurait lieu, s'il a lieu, qu'à l'automne 2005. Mais voilà déjà toute la gauche ex-gouvernementale qui s'applique, partisans du oui comme ceux du non, peu importe, à convaincre les travailleurs que c'est maintenant de ce référendum qu'il faudrait se préoccuper. Le coup de Chirac n'est pas tant de les diviser, en particulier les socialistes entre eux, que de les transformer tous en amplificateurs du leurre qu'il a choisi pour nous détourner de nos vrais objectifs.

Aux révolutionnaires d'en convaincre les travailleurs et de faire campagne, auprès de tous les militants politiques et syndicaux qui veulent bien les entendre, pour proposer ensemble un programme et un plan d'action sur un terrain de classe, et préparer dès maintenant la riposte nécessaire aux attaques patronales.

Michelle VERDIER

Convergences Révolutionnaires n° 34 (juillet-août 2004) - bimestriel publié par la Fraction
Dossier: Accidents du travail et maladies professionnelles : faux frais de l'exploitation pour le patronat et l'État.
Articles: L'alliance LO-LCR après "l'échec" électoral - La réforme de l'assurance maladie va-t-elle passer comme une lettre à la poste? - Belgique : vote obligatoire pour scrutin sans enjeu - Irak : le blanc-seing de Chirac à Bush - Israël : quand Jérusalem succède à Johannesburg.
Pour se procurer ce numéro, 1,5 €, ou s'abonner (1 an: 9 €; de soutien: 15 €) écrire à: LO, pour la Fraction, BP 233-75865 Paris Cedex 18 ou Les Amis de Convergences, BP 128-75921 Paris Cedex 19 Sur le Net: http://www.convergencesrevolutionnaires.org

Partager