The Phone House - Fleury-les-Aubrais (Loiret) : Conditions de travail insupportables, répression contre les militants syndicaux08/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1875.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

The Phone House - Fleury-les-Aubrais (Loiret) : Conditions de travail insupportables, répression contre les militants syndicaux

Le centre d'appel téléphonique The Phone House, à Fleury-les-Aubrais près d'Orléans, est un sous-traitant de Cegetel qui emploie près de 500 personnes. Le travail consiste à répondre par téléphone aux problèmes rencontrés par les clients de SFR. La majorité des employés sont des femmes, la moyenne d'âge est de 27 ans.

Les conditions de travail sont nerveusement éprouvantes. Tout est organisé pour la course au rendement. Les employés, casque sur les oreilles, entendent les appels se succéder sans interruption. Pour aller aux toilettes, il faut demander la permission. Il est fréquent qu'on nous refuse les pauses alors que nous y avons droit. On peut se retrouver à travailler quatre heures d'affilée sans pause, ce qui est intenable, et beaucoup d'entre nous sont obligés de prendre des antidépresseurs. Une pression individuelle est exercée en permanence sur chacun, avec un système d'écoute qui enregistre la durée de chaque phase de travail. Si le temps consacré à chaque opération est jugé trop long, la sanction peut aller jusqu'au licenciement. La direction justifie avec cynisme ces écoutes, les présentant comme une aide apportée aux employés pour se perfectionner.

Le salaire mensuel de base est de 950 euros, et il est toujours le même au bout de quatre ans. À ce salaire peut s'ajouter une prime calculée de la manière suivante: au cours du mois, un responsable observe pour chaque employé un appel, et lui attribue une note. Si elle est inférieure à 14, la prime est supprimée, et cela est fréquent car les critères de notation sont sévères. Si dans le mois on est absent pour maladie ou vacances, la prime est également supprimée. C'est une grosse pression, car cette prime est la seule façon de compenser un peu des salaires très bas. Mais même avec les primes, le travail est très peu payé pour des amplitudes horaires qui vont de 8 h à 22 h, samedi inclus. La vie de famille en prend un coup comme en témoigne une employée: «Lorsque je pars travailler le matin, ma fille de trois ans me dit: à demain maman».

Comme si ces multiples pressions ne suffisaient pas, la direction organise aussi des challenges: les «meilleurs» sont récompensés publiquement, alors que les moins performants sont dévalorisés et humiliés. Aussi, bon nombre démissionnent assez vite. En 2003, on a compté 46 licenciements et 74 démissions, soit le quart du personnel. La direction n'hésite pas à licencier ceux qui résistent à ses méthodes, à commencer par les déléguées CGT.

Dans ce secteur d'activité nouveau, où souvent les travailleurs n'ont pas eu le temps de se forger des traditions de lutte, les patrons ne s'attendent pas à voir leur personnel revendiquer, et ils ne supportent pas quand celui-ci ne se laisse pas faire. La direction n'a pas non plus supporté le succès rencontré par la CGT aux dernières élections professionnelles. Une déléguée s'est vu licencier pour raison médicale, sans que la direction ait essayé de la reclasser comme elle en a l'obligation. Une autre a été licenciée sous l'accusation de vol. Elle a vu son domicile perquisitionné et a subi un interrogatoire musclé au commissariat, avant d'obtenir gain de cause aux prud'hommes.

Ces méthodes n'ont pas empêché des réactions collectives. Des débrayages ont eu lieu et la CGT a organisé un rassemblement devant l'entreprise, au cours duquel des militants d'autres entreprises ont apporté leur soutien. Pour nombre de jeunes qui ne réalisent pas toujours au début la réalité de l'exploitation, il s'agit d'un premier emploi. Mais beaucoup comprennent vite, et au lieu de la concurrence entre travailleurs voulue par la direction, c'est la solidarité et la lutte qui se mettent en place.

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