Irak : Le «procès» de Saddam Hussein : un assassin, certes, mais qui avait des complices haut placés08/07/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1875.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Irak : Le «procès» de Saddam Hussein : un assassin, certes, mais qui avait des complices haut placés

Deux jours à peine après l'intronisation sous l'égide des États-Unis d'un gouvernement irakien soi-disant «souverain», Saddam Hussein et onze hauts dignitaires de son régime ont été mis officiellement en accusation. Un «tribunal spécial irakien» a été monté pour la circonstance.

Cela tombe à point nommé pour donner l'illusion que ce gouvernement, né sous la tutelle américaine, aurait une once d'autorité. Mais il a fallu faire si vite que Saddam Hussein a comparu sans que l'acte d'accusation le visant n'ait été tout à fait mis au point. Du coup, on lui a notifié un acte d'accusation «provisoire».

Saddam Hussein y est accusé de «crimes contre l'humanité», de «crimes de guerre» et d'«actes de génocide», tous qualificatifs qu'il mérite amplement. Ils concernent la répression contre les Kurdes, la guerre contre l'Iran, l'invasion du Koweït, la répression contre les insurrections chiites du Sud en 1991, et des meurtres qu'il a commandités.

À l'annonce de cette mise en accusation, Bush s'est dit «heureux» que Saddam soit traduit en justice pour les «atrocités commises par son régime». Comme si lui-même, ses prédécesseurs à la Maison Blanche, les autres dirigeants américains et les chefs des gouvernements occidentaux ne portaient pas une lourde responsabilité dans l'existence et le maintien de la sinistre dictature de Hussein, donc dans les activités dont il a été responsable.

Dès son arrivée au pouvoir en 1979, Saddam Hussein bénéficia des faveurs des dirigeants des puissances occidentales et des dirigeants américains, alors que Khomeiny venait d'être porté au pouvoir en Iran. Dans la guerre qui opposa l'Irak à ce pays de 1980 à 1988, Saddam Hussein bénéficia de l'appui des puissances occidentales. Tarek Aziz, vice-Premier ministre irakien déclarait: «Notre capacité nucléaire, nous la devons aux Français, non aux Soviétiques», pour remercier le gouvernement Chirac de la fourniture de plusieurs kilos d'uranium en 1981. François Mitterrand, arrivé au pouvoir en 1981, continua à livrer des armes lourdes et des avions Super-Étendard au régime irakien. Et en 1988, ce sont des avions français fournis par Dassault qui servirent au gazage de la localité kurde de Halabja. Les gaz toxiques furent livrés, eux, par des firmes allemandes. Il y eut 5000 morts et aucun commentaire de la part des gouvernements français et allemand. Les autorités américaines elles-mêmes ne restèrent pas à l'écart et livrèrent, souvent de manière discrète, du matériel militaire. Pour l'anecdote, c'est Donald Rumsfeld, actuel ministre de la Défense du gouvernent Bush, qui fut envoyé comme émissaire conciliant auprès des dirigeants irakiens.

Mais en 1990, les dirigeants occidentaux changèrent leur fusil d'épaule et prirent prétexte de l'invasion du Koweït pour intervenir en Irak. Ce fut la «première» guerre d'Irak, sous l'égide de Bush senior, le père de celui qui sévit aujourd'hui. Ils ont néanmoins maintenu Saddam Hussein au pouvoir comme gardien de l'ordre dans la région. Il put ainsi, sans que les grandes puissances l'en empêchent, réprimer la révolte des Kurdes au nord et celle des Chiites au sud.

Le procès de Saddam aurait pu être l'occasion de rappeler que l'assassin Hussein avait des complices haut placés. Pas sûr qu'il en soit ainsi.

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