Sommet de l'Otan : Petites querelles entre brigands impérialistes30/06/20042004Journal/medias/journalnumero/images/2004/07/une1874.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Sommet de l'Otan : Petites querelles entre brigands impérialistes

Le sommet de l'OTAN, à Istanbul, en Turquie, a été le théâtre -c'est bien le mot- d'un nouvel échange de répliques digne des comédies de boulevard, chacun campé dans son rôle: Bush donnant le conseil d'intégrer le plus rapidement possible la Turquie dans la nouvelle Europe des 25, Chirac feignant de s'irriter qu'un "étranger" se mêle d'affaires qui ne le concernent pas, lui répondant qu'il n'avait pas de leçon à recevoir. Il aurait déclaré, selon les gazettes, que le président américain "serait allé trop loin, sur un terrain qui n'est pas le sien", ajoutant: "C'est un peu comme si je lui expliquais ce que doit être la politique des États-Unis envers le Mexique." Beau morceau de bravoure certes, mais rien d'autre. Car les tirades de Chirac n'empêcheront pas que les États-Unis restent les patrons de l'OTAN. Et ses dirigeants se moquent bien des états d'âme et des fausses colères de Chirac.

En fin de compte, ce sommet aura accouché d'une déclaration que chacun peut interpréter, comme à chaque fois, à sa guise. Il y a été décidé que l'OTAN prendrait en charge la formation des cadres de la future armée et de la future police irakienne. Derrière la discussion d'Istanbul, il y a le souci des États-Unis de ne plus assumer directement, comme cela a été le cas jusqu'à présent, la responsabilité de l'occupation de l'Irak, maintenant que le pouvoir y a été officiellement transféré à un gouvernement irakien (et non pas, comme le titrait Le Monde daté du mardi 29 juin sur toute la largeur de sa Une: "le pouvoir a été rendu aux Irakiens.")

Le but de l'opération est bien évidemment que l'OTAN serve désormais de couverture à cette occupation, ce qui ne changerait évidemment rien à ce que subissent les Irakiens.

Chirac et la délégation française, ainsi que la représentation allemande feignent d'avoir compris que la décision de ce sommet d'Istanbul implique que la formation des cadres militaires irakiens doit se faire hors de l'Irak. Ils craignent, disent-ils, que la présence d'instructeurs étrangers en Irak se traduise, à terme, par un glissement de leur rôle, qu'on les retrouverait comme cela s'est souvent vu, instructeurs des troupes d'intervention sur le terrain. Mais les officiels américains ont, eux, une tout autre lecture de cette déclaration qui, selon eux, ne définit qu'un cadre dont les modalités d'application seront précisées par la suite.

Derrière ce différend, il n'y a pas, comme on essaye de nous le faire croire, le camp des "bellicistes" mené par Bush, et celui des "pacifistes" représenté par Chirac et Schroeder. Il y a la rivalité d'intérêts des compagnies américaines, qui s'approprient la quasi-totalité du gâteau que représente l'occupation de l'Irak, avec les sociétés françaises et allemandes, presque totalement évincées du partage. Pour l'instant l'instabilité politique et sociale de l'Irak rend assez hasardeux les investissements à long terme, mais à court terme il y a cependant de juteux marchés pour les heureux bénéficiaires, ne serait-ce par exemple que dans la fourniture des armées d'occupation, ou encore dans les prestations de services, pour fournir mercenaires et autres vigiles.

Ce sommet d'Istanbul n'est qu'une des illustrations du tour que prennent les rivalités entre puissances impérialistes. De la même façon, ces rivalités se manifestent dans les positions prises sur la question de la dette de l'Irak. Faut-il l'effacer purement et simplement, comme le préconisent les Américains? Faut-il n'en effacer qu'une partie, la moitié par exemple, comme le défendent les Français? Chacun s'abrite derrière des prétextes moraux. Les Américains expliquent que ces dettes, dont la responsabilité revient au régime du dictateur Saddam Hussein, sont dues aux achats d'armes à des pays comme la France qui transgressaient allègrement le blocus. D'autres, dont la France, prétextent qu'en annulant la dette irakienne on offre une prime à un régime dictatorial, alors que d'autres pays, aussi endettés, voire plus que l'Irak, mais au régime plus vertueux, ne seraient pas dispensé de remboursements. Ce qu'ils considèrent comme choquant.

Dans ce festival d'hypocrisie, des deux côtés, on n'assiste pas à un duel entre les porte-parole du vice et ceux de la vertu, mais à des chamailleries entre brigands qui se disputent les dépouilles d'un pays occupé. Le dernier mot restant au plus puissant de ces brigands.

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